Les grenouilles ont bien travaillé qu’elles dansent maintenant !
Dernière journée en fanfare : une dose de valeurs sûres, quelques vieux amis, du surprenant qui gratte dans les coins et une ambiance baloche pour finir… Le festival se poursuit sur une journée dense et se referme sur une soirée danse… C’est fou quand on y pense !
Fantazio, Féloche, Loïc Lantoine, Yodelice, Renan Luce, Bombes 2 Bal
Cette dernière journée s’ouvre sur un concert de Fantazio. On nous l’avait présenté comme l’ovni musical du festival, nous n’avons pas été déçus ! Difficile de classer la musique de Fantazio, encore plus difficile d’en résumer un concert.
N’essayons même pas !
Fantazio parle, chante, crie… Il joue de la contrebasse… Jusque là objectivement, on ne doit pas trop se tromper, après… Le Fantazio Gang est aujourd’hui réduit à un batteur qui accompagne l’artiste. Pour cet agitateur de l’underground, les conditions sont aujourd’hui bien particulières, imaginez : une salle, une scène, un public assis, une équipe d’ingénieur du son… De son aveu, il a cru en arrivant tomber dans un salon "Hewlett Packard" !
Fervent défenseur de la forme aléatoire pour ces représentations, Fantazio recherche l’instantanée et l’authentique, pour surprendre, pour interroger. Il se retrouve ainsi à se produire dans des squats, sur un tracteur roulant à musique, sur une machine à roulette, et parfois par hasard sur une scène.
Qu’à cela ne tienne, son univers est tenace et donnera au concert une forme improvisée et aléatoire. La notion même de morceaux y est relative, la musique est coupée, charcutée, abimée, les styles sont changeants. On pourrait croire qu’un maniaque zappe sur une radio encore et encore sans jamais trouver le repos. Un discours de De Gaulle, un jazz, une voix heavy métal, des parasites et de nouveau un jazz…
C’est chantant, puis dérangeant, puis réussi, puis agaçant… Oublions les notions d’esthétiques et les règles de la scène.
Entrer dans le monde de Fantazio est une épreuve. L’accès n’est pas évident, d’autant que le groupe est réduit à son minimum et perd donc en intensité musicale. Mais pour les chanceux qui y pénètrent le tourbillon est ravageur, d’autant qu’il n’existe que peu de repère auquel s’accrocher.
Ceux qui ont franchi la porte de son univers ressortent perplexes, surpris mais ravis de l’expérience, les autres ont détesté. Fantazio est un ovni qui ne laisse personne indifférent.
Dans les marécages de Louisiane, point d’ovni, mais la montée en puissance de Féloche et son groupe.
Sorti d’un bayou musical, nous l’avions découvert encore humide voilà quelques années au festival des Oreilles en pointe dans la région stéphanoise.
Sympathique, nous pouvions à l’époque lui reprocher un côté jeune chien fou qui en faisait un peu trop et qui se cherchait sur scène, une réminiscence de sa période punk ?
Aujourd’hui nous trouvons un groupe qui a avancé, sorti un premier album réussi La Vie Cajun et qui semble avoir gommé ces imperfections pour se construire des bases solides.
Le concert est intelligemment construit, la complicité entre musiciens favorise la diffusion d’une ambiance agréable sous le chapiteau.
Des textes bien ficelés, une contrebasse humide qui claque, une mandoline virtuose des marécages, quelques gris-gris électroniques, l’incantation pour le shaman peut commencer.
Les totems frétillent sous la musique. Les animaux de Louisiane se réveillent et envahissent la scène. Ça fonctionne assez bien. La musique bricolée est agréable et entrainante, les mélodies sont bien ciselées.
La sauce prend, Léa Bulle impressionne par sa présence scénique et sa capacité à changer sans cesse d’instruments, elle est le sel du groupe. Les ingrédients se mélangent, blues-rock, boucles électro, folk, un coup de rap à fromage, beaucoup de mandolines… Féloche peut être heureux, le public a goûté avec délectation à ce moment de musique cajun. La recette est bonne, bonne appétit Shaman !
Le public rassasié est prêt à recevoir Monsieur Loïc Lantoine.
La cérémonie peut commencer… Mais comment ? A l’envers évidemment, il n'y peut rien c’est son coté punk ! Une tournée pour faire vivre les nouveaux titres puis l’album viendra après… Loïc est comme ça… En habitué des lieux il nous présente les nouveaux copains : Phil (ex-Tordue) et Jo et bien sûr le vieux frère à la contrebasse François Pierron.
C’est donc aujourd’hui un Lantoine nouveau qu’on découvre. Musicalité renforcée pour cette tournée : envolées jazz, riff trad et tensions rock’n roll. Mais l’essentiel reste ce pourquoi on se déplace, ce pourquoi le chapiteau est plein aujourd’hui : les mots de Lantoine, chuchotés, crachés, scandés. La voix inimitable, profonde et râpeuse fait vibrer l’air et crée une tension, une attention. Les mots percutent avec une rare puissance, mais une vraie justesse le public.
Pas un bruit dans la salle. On ne se déplace que sur la pointe des pieds et que par extrême obligation, on chuchote à peine. Un mot de Loïc et tout retombe, une main sur le pupitre et un rire général l’emporte et puis de nouveau… les mots.
La poésie de Lantoine est d’autant plus forte que la puissance de la voix n’a d’égale que la fragilité que son corps renvoie. Timidité, gène, violence et générosité font de l’interprète un humain authentique qui peut porter haut et fort ses mots.
Nous flottons dans un espace cotonneux chacun étant directement relié aux lèvres du chanteur. Expérience incroyable, expérience Lantoine. Et quand il faut en fin de concert couper le cordon, le chapiteau accouchant du public pour l’expulser au dehors, c’est encore un peu groggy que nous retrouvons la lumière.
Habitués aux grands écarts et aux cascades les plus périlleuses, nous rejoignons peu après le zénith pour la dernière soirée.
Nous y retrouvons sur scène Yodelice, personnage mystérieux et intéressant. Chapeau melon, plume et larme peinte sur la joue, il nous déroule les morceaux rock de son premier album sorti il y a tout juste un an, Tree of life.
Le concept est assez fouillé, de l’ambiance aux costumes en passant par la magnifique guitare en forme de tête macabre ! Le public réagit bien et semble apprécier le spectacle.
C’est bien. En tout c’est sûr, Yodelice a un joli chapeau.
Renan Luce aussi est un habitué du festival Paroles & Musiques, on l’a connu pour une première partie en 2006, puis au Magic Mirrors en 2007. Depuis que de chemin parcouru. Comme ce n’est pas à nous de juger de la pertinence que tel artiste explose plutôt que tel autre, contentons-nous d’affirmer que Renan Luce n’est pas moins bon qu’il y a trois ans. Ses textes restent travaillés, son timbre de voix agréable et le tout donne un résultat qui n’a pas à rougir. Une fois cela posé, précisons que le bonhomme est extrêmement sympathique et garde les deux pieds dans la musique sans se couper des petits copains. Ainsi il a passé l’après-midi au Magic Mirrors pour assister au concert de Loïc Lantoine rencontré sur le festival quelques années plus tôt, l’a invité sur la scène du Zénith pour partager une chanson improvisée et a offert ses premières minutes de spectacle à son pote Dorémus qui nous a présenté en solo un avant-gout de son prochain album.
Pour le reste, un concert de Renan Luce restera toujours plus agréable dans une ambiance intimiste de cabaret et a bien du mal à vivre dans un immense Zénith…
Les textes perdent de leur consistance et le public de sa réactivité… Mais la loi de l’offre et de la demande ne s’embarrasse pas de ces variables. Allez, la soirée reste un bon moment de distraction et Renan est vraiment un mec sympa !
Oyez, oyez, festivaliers, bénévoles, organisateurs, musiciens, chanteurs, venez vous retrouver au chaud sous le Magic Mirrors et venez danser pour clôturer ce 19ème festival au son des Bombes 2 Bal ! Ce soir c’est Bal indigène, la musique Occitane est à l’honneur et bien plus encore. Les Bombes 2 Bal ouvrent la danse, sur scène en musique et dans la salle pour initier les participants. Ça guinche pendant plus d’une heure. Tout le monde se mélange. Loïc Lantoine – encore lui – accoudé au bar se fait prendre dans la farandole et finit au chant pour une dernière danse mémorable ! Une soirée de clôture incroyable qui nous rappelle le leitmotiv des organisateurs : "un festival n’est pas qu’une succession de concerts". Ce soir illustre parfaitement cette logique. Rencontres et partage, quelques soit son statut dans ce festival, tout le monde danse, ensemble.
"Ça c’est Paroles et Musiques !"
Cette édition pluvieuse était dédiée à Mano Solo. Elle a tenu toute ses promesses : des rencontres sincères, de beaux moments de musique, des mots frissonnants, un public fidèle, du militantisme pour la chanson, des chansons pour les militants, et même la pluie et "le sens du vent pour savoir contre quoi lutter".
19 ans de festival pèsent plus lourds que quelques heures d’orage, le public ne s’y est pas trompé ! Tout est là. Tout le monde est là. Et jusqu’au bout. En cette dernière soirée, une fois n’est pas coutume, on reconnait "les endurants aux "flaques" qu’ils ont sous leurs pieds…". |