Comédie
burlesque d'après Roland Dubillard, mise en scène
de Hubert Drac, avec Hubert Drac et Julien Sibre.
"Les Diablogues" écrits par Roland Dubillard dans les années 50, et conçues à l'origine comme des sketches radiophoniques pour un duo burlesque, sont, en raison de l'intemporalité de leur registre, qui puise dans la logique et l'abîme du raisonnement métaphysique de l'homme ordinaire, souvent portés sur scène avec, à chaque fois la volonté de se démarquer d'effets scénographiques.
Au Théâtre Le Lucernaire, Julien Sibre et Hubert Drac, qui signe également la mise en scène, proposent une belle sélection de ces désopilantes "inventions à deux voix", en panachant les pièces d'anthologie tels "ping-pong", "le compte-gouttes" et "la musique de placard" avec des opus plus confidentiels comme le poétique oiseau gobe-douille, qui sont essentiellement "à écouter et à entendre", sous le titre "Les fourmidiables", mot-valise de Dubillard lui-même pour décrire son prochain, et réussissent non seulement leur prestation mais également une double jolie variation.
En effet, ils maîtrisent avec une technique parfaite ces petits bijoux ciselés par un orfèvre des mots qui jouent sur les chausse-trappes linguistiques qui non seulement n'autorisent aucun droit à l'erreur et ces exercices de haute voltige qui exigent une singulière vélocité "linguale" et une exécution millimétrée.
Par ailleurs, pour montrer le désarroi de l'homme face à l'absurdité de son propre comportement et à une certaine vacuité existentielle dans les actes de sa vie quotidienne qui se révèle une farce tragi-comique, ils officient, sans le filet des effets scénographiques souvent usités, dans un décor rudimentaire totalement calqué sur le réel qui colle judicieusement à cette prose qui joue, uniquement par la pluralité des points de vue, en l'espèce matérialisée par les lumières de Alessandro Volta, sur le rien.
Enfin, les deux protagonistes, unis par l'indispensable écoute réciproque exigée par ce genre d'exercice de style, réussissent une jolie variation du classique duo de clowns écrit par Dubillard. Julien Sibre a l'apparence du clown blanc, beau, élégant et impérieux, revenu de tout qui se fait parfois damer le pion par Hubert Drac, petit bonhomme à l'allure tirebouchonnée, qui campe un malicieux Auguste. Et c'est irrésistiblement drôle même si Dubillard, le dynamiteur de mots, déboulonne également quelques certitudes. |