Cinq ans déjà se sont écoulés depuis la parution du premier et prometteur album de Vérone, Retour au Zoo. Cinq longues années pendant lesquelles le groupe est devenu un duo et a revu son univers musical pour enfin nous livrer ce deuxième, attendu et inespéré, album au titre encore plus étrange que celui du premier disque : La Fiancée du Crocodile.
Si le duo se permet quelques invités, l'album est conçu différemment du premier et si la production et les arrangements sont tout aussi remarquables, il est clair que La Fiancée du Crocodile est un disque pensé pour le duo. Pour preuve, le groupe s'est produit sur scène dans cette formation, notamment depuis une petite année et les chansons que l'on retrouve sur le disque n'ont pas à rougir de leur version live.
Si Retour au zoo était un disque un peu étrange et mystérieux, plongeant l'auditeur dans un monde sinon féérique, pour le moins imaginaire, fait de texte parfois abscons et toujours très poétique, La Fiancée du Crocodile revient un peu sur terre. Pourtant les deux disques ont quelques points communs. D'abord, bien entendu, le chant toujours aussi juste et pointu de Fabien Guidollet qui a cependant gagné en assurance et perdu en maniérisme. Autre point commun, et non des moindres, l'utilisation généreuse de références zoologiques. Retour au zoo de part son titre convoquait quelques drôles de bestioles telle que des "Chevaux sous la mer". Ici, ce sont des cochons, des cerfs, des girafes et des crocodiles et même des poissons qui tiennent le haut de l'affiche.
Musicalement, on s'éloigne un peu de ce qu'était Retour au zoo en allant cette fois ci vers des formats plus typés chansons pop. Les textes, eux aussi, sont plus directs et narratifs, même s'ils ne se privent pas d'images et de poésie. De plus, de nombreuses illustrations sonores ponctuent les morceaux, même si lors d'une écoute distraite on peut passer à côté. Cet habillage apporte un côté très vivant au disque renforçant discrètement mais sûrement les ambiances de chaque morceau, que ce soit par des bruitages (le marché au poissons, la fête foraine...) ou l'utilisation de certains instruments ou sonorités comme sur "Hamac".
Vérone en duo, c'est aussi moins l'électro, moins de batterie, moins de basse, moins de guitare aussi... mais un peu de tout cela mélangé avec des instruments plus ludiques, parfois même détournés de jouets d'enfants ou d'ustensiles électroménagers.
L'inventaire ainsi fait pourrait donner une drôle d'idée de ce disque, sorte de laboratoire baroque et kitch pour chanson française en mal de sensations nouvelles. Pourtant, le résultat est enthousiasmant, abouti et aussi jouissif pour l'auditeur que pour les auteurs qui semblent avoir pris un malin plaisir à jouer de poésie, d'humour et de cynisme avec un parfait dosage tout au long des 10 titres (seulement, et c'est le plus grand regret à propos de ce disque, surtout pour les fans qui suivent le groupe et connaissent déjà tous ces morceaux ou presque pour les avoir entendus en concert). Avec beaucoup d'humour et d'esprit, les textes superbement bien écrits, plein de drôleries et de poésie croquent situations et personnages dont on se délecte ("Le bal de l'empereur", "Le concours d'imitation", "Garage", "Etre beau ou mourir" sont tous de très haut niveau) et de fables comme "L'élixir du Suédois", mystérieux breuvage pour enfants pas sages, le nonchalant "Hamac" ou l'exquis "La fiancée du crocodile" qui ne dévoile qu'une partie du mystère de son titre.
Un disque à tiroirs, chacun bien rempli de bonne surprise, tant sur le plan musical qu'au niveau des textes qui sont un vrai délice (je sais j'insiste, mais c'est tellement rare). Une excellente surprise que ce deuxième album de Vérone, plus que jamais joueur, inventif et un rien moqueur. Un groupe qui s'affirme plus que jamais comme un élément incontournable et atypique du paysage musical français de qualité. |