Pour cette fin de saison des Master
Classes 2010, Jean-Laurent Cochet
a souhaité présenter au public fidèle des cours publics d'interprétation
dramatique qu'il dispense à la Pépinière Théâtre de découvrir
une catégorie d'élèves qui y est rarement représentée, celle
des élèves des cours du soir et du cours du samedi qui sont
réservés aux personnes qui exercent une activité professionnelle
à plein temps et à celles qui se trouvent parfois géographiquement
éloignées de Paris.
Ces élèves, qui appartiennent aux générations précédentes de celle qui suit
majoritairement les cours du matin, et qui sont encore étudiants,
sont généralement placés sous le tutorat des assistants du Maître
qui, notamment le soir, ne peut être présent dans la mesure
où, depuis plusieurs saisons, il enchaîne les spectacles sur
scène.
En l'occurrence, il s'agit de Pierre Delavène, également directeur des Cours Cochet et de la Compagnie Jean-Laurent Cochet, de Marina Cristalle, de Olivier Leymarie, Philippe Le Gars et Elisabeth Capdeville qui sont chargés de dispenser son enseignement après avoir été eux-mêmes ses élèves.
Ils sont donc exceptionnellement tous réunis ce soir, et sur
scène, autour de Jean-Laurent Cochet formant ainsi un aréopage
tout à fait conséquent. Et Jean-Laurent Cochet peut être satisfait
et heureux du choix opéré, et de la confiance accordée car les
élèves qui vont monter sur scène, pour certains pour la première
fois devant un public, sont tous excellents et remarquables
notamment par cette "intensité" de jeu sans doute nourrie de
la maturité acquise au fil des années, même s'ils ne sont pas
des barbons.
Cette soirée sera placée sous une myriade de sentiments et d'émotions.
La gravité avec la scène introductive de "George Dandin" de Molière
qui annonce l'épilogue de cette comédie tragique ou de cette tragi-comédie selon la couleur qui lui est donnée. En l'espèce, elle est sombre et le comédien y distillera toutes les nuances de la colère, du désespoir, de la lucidité, de l'amertume et de la dérision.
Le lyrisme avec le récit de la bataille de Rodrigue contre les Maures extrait de "Le Cid" de Corneille avec un élève qui se montre tout à fait à l'aise dans l'interactivité avec le public.
La candeur malicieuse pour la jeune femme qui donne une des scènes "classiques" de travail pour les femmes, le monologue de Lisette dans "Louison" de Alfred de Musset.
Autre scène habituelle de travail, mais pour les hommes, celle
la scène de Louis XIII et Bellegarde dans "Marion
Delorme" de Victor Hugo placée
en l'espèce sous le signe de la puissance de la fidélité*.
L'inquiétante étrangeté avec l'interprétation d'un extrait de "L'échange" de Paul Claudel renforcée par le soupçon d'accent de l'officiant qui est d'origine tchèque.
L'exact équilibre entre le charme, l'esprit et le pathétique*
pour l'interprète du difficile et émouvant monologue d'Irma
Lambert dans "La folle de Chaillot"
de Jean Giraudoux et, en contrepoint,
le burlesque du monologue de Georges Chopin..
"Lucrèce Borgia" de Victor Hugo est doublement présente avec la scène ahurissante de bêtise et de gloire* dans laquelle Lucrèce implore la grâce de son amant à son époux Don Alphonse et l'excellence* de l'interprétation de l'élève du rôle de Gubetta, le sbire de cette dernière.
La subtilité et la finesse pour l'interprète de Narcisse face à Néron dans "Britannicus" de Racine.
Pour les fables de La Fontaine, exercice de base de l'enseignement dispensé par Jean-Laurent Cochet, le piquant "L'âne et ses maîtres".
La délicatesse avec le monologue de Sabine dans "Horace" de Corneille.
Enfin, la virtuosité pour l'exercice consistant, pour le même comédien à jouer les deux rôles d'une scène , en l'occurrence, ceux de Cléonte et Covielle dans l'acte III de "Le bourgeois gentilhomme" de Molière.
Au début de la soirée, Jean-Laurent Cochet avait annoncé subrepticement qu'il y aurait "peut-être" une surprise et avec le temps de la conclusion de cette soirée est venu le moment de la dévoiler. Et c'est presque un coup de théâtre que le facétieux maître réserve puisqu'il "piège" ses assistants en leur demandant
ex abrupto d'officier à leur tour sur scène. Cette annonce, qui comble d'aise le public, laisse ces derniers un brin interloqués. Mais impossible de se défausser.
La pétulante Elisabeth Capdeville se lance avec "La guenon, le singe et la noix"
une délicieuse fable de Florian. Fable également pour Olivier Leymarie, mais en revenant aux fondamentaux, avec "Le chameau et les bâtons flottants" de La Fontaine.
La Fontaine encore pour Philippe Le Gars mais dans un pastiche désopilant de "Perrette et le pot au lait" opérée par le comédien et auteur Jacques Mougenot qui rappelle que "ce n'est pas avec du lait qu'on peut faire son beurre".
Marina Cristalle, qui excelle dans
la tragédie, choisit un morceau de bravoure, au sens non péjoratif
du terme qui va émouvoir quasiment aux larmes son Maître et
entraîner des applaudissements abondants, avec un poème
"Le triomphe" de Victor
Hugo.
Enfin, pour clore ce cours, et en mise en bouche de la soirée, Pierre Delavène officie dans un exercice de style et de maîtrise mnésique avec la célèbre poésie galante "Le mot et la chose" de l'Abbé de Lattaignant. |