Comédie
dramatique de Normand Chaurette, mise en scène de Joachim
Serreau, avec Nicolas Buchoux, Charles Chemin, Félicien
Delon, Julia Duchaussoy, Jean-Patrick Gaultier, Benjamin Kauffman
et Sarah Stern. "Fragments d'une lettre d'adieu lue par des géologues" titre à rallonge pour une pièce longue et "bavarde" de l'auteur québécois Normand Chaurette qui, au demeurant, est fort peu théâtrale au sens premier du terme.
Conçue comme un récit placé de surcroît sous le signe de l'hybridité textuelle, elle est constituée, à l'exception d'une brève scène centrale, uniquement de monologues, ceux des témoignages, devant une commission d'enquête, de personnes convoquées pour tenter d'expliquer la mort inexpliquée du chef d'une mission humanitaire composée de géologues.
En effet, Normand Chaumette, refusant la monstration, s'inscrit résolument dans le théâtre narratif, un théâtre de la parole et de l'écoute.
L'intrigue, qui commence comme un huis clos à suspense et aborde la fragilité des témoignages complètement parasités par la subjectivité et tronqués par la mémoire sélective mais également la relativisation de la parole, et tournera court faute d'avoir mandaté les experts CSI, glisse vers le théâtre de l'absurde avec une satire du langage scientifique pour partir en vrille du côté du symbolisme, de l'invisible et de la métaphysique unanimiste pour signifier l'impossibilité de rendre compte du monde par la raison et le rationnel.
En conséquence, il s'agit d'un objet théâtral dont le caractère verbal non conversationnel et statique le situe davantage du côté du roman ou de la pièce radiophonique que de la représentation théâtrale. La proposition de mise en scène de Joachim Serreau, qui a été sélectionné dans le cadre du Prix du Théâtre 13 consacré aux jeunes metteurs en scène, s'apparente donc fort logiquement, à défaut de pouvoir transcender le défi de mise en scène de ce registre, à une lecture à peine mise en espace .
Sur scène, autour de tables juponnées qui ressemblent davantage à un décor de cocktail qu'à un bureau administratif, les sept personnages, pour le moins désincarnés, ne sont que des voix, Normand Chaurette affirmant que suffit "le corps verbal de l'acteur" et corrélativement ipso facto "circulez il n'y a rien à voir", et le spectacle est donc très statique.
Selon le processus l'enlisement beckettien, les récits qui se superposent, se stratifient, et malgré le le non-jeu, les comédiens, Nicolas Buchoux, Charles Chemin, Félicien Delon, Jean-Patrick Gaultier, Benjamin Kauffman, Julia Duchaussoy et Sarah Stern, et pour rester dans une comparaison géologique, à l'instar de la toile de fond géo-météorologique de cette fable mystique, s'embourbent dans les terres détrempées d'un Cambodge fantasmé qui sert de révélateur au secret de la sagesse tragique. |