Pièce de Rodrigo Garcia, mise en scène de Marion Poppenborg, avec Laure Roldan, Jérôme Varanfrain et Max Thommes.
Reprenant à son compte certaines analyses critiques notamment sur la globalisation de l'économie, Rodrigo Garcia montre et dénonce l'horreur d'un monde voué au consumérisme poussé jusqu'à sa propre autoconsommation car, de la grande mal bouffe et de la vie en kit-prêt-à-jeter à l'exploitation de l'homme par l'homme sous toutes ses formes mêmes les plus abjectes, le pas est vite franchi et, pour le coup, il montre l'homme à l'homme dans ce qu'il a de plus "pourri" car dit-il "c'est là que peut s'établir un dialogue avec le public... un truc aussi vieux que
Shakespeare".
Avec "L'histoire de Ronald le clown de McDonald's" et "J'ai acheté une pelle chez Ikéa pour creuser ma tombe" il s'attaque à deux icônes de la société post moderne aux logos joyeux derrière lesquels sont tapies des multinationales plus puissantes que les Etats eux-mêmes, ceux que le philosophe activiste Noam Chomsky qualifie d'institutions totalitaires exerçant une tyrannie privée et qui sont responsables, entre autres, de l'inégalité grandissante entre les riches et les pauvres.
Sa croisade anti-capitaliste et anti-consumériste, arc-boutée sur le couple janusien Eros-Thanatos avec les pulsions à géométrie variable que sont l'autoconservation et la libido, l'appareil digestif et le sexe, se matérialise par une langue transgressive qui repousse toute les limites du dire, du burlesque à l'obscène, ça passe ou ça casse. Mise en scène par l'auteur, ça casse souvent dans la mesure où le spectateur trop violemment interpellé, voire "agressé" par une logorrhée vomitive extrêmement violente, qui fait rire jaune avant de saisir d'effroi à moins que ce ne soit l'inverse, et une représentation hyper-réaliste à travers le corps de l'acteur du fait de son impossibilité à prendre au second degré ce qui se passe sur scène et qui ressortit au théâtre. Marion Poppenborg" a opté pour une mise en scène édulcorée qui ne perd toutefois en rien son voir "spectaculaire" et donne peut-être mieux à entendre le texte, dont la virulence et la pertinence demeurent intactes, porté par un trio de choc.
Du doux âge de l'enfance volée à l'âge de l'adulte fracassé, Laure Roldan, Jérôme Varanfrain et Max Thommes s'ébattent dans une aire de jeu que Jeanny Kratochwill a conçu comme un cube coloré - car les enfants aiment le jaune mayonnaise et le rouge ketchup de la fameuse chaîne de restauration rapide et leurs parents aiment le bleu vif et le jaune soleil du designer venu du froid - qui tient autant de la chambre avec son coffre à jouets que du cube à balles desdites enseignes destinés aux enfants et du théâtre de marionnettes.
Car il s'agit bien de pantins, de héros de bandes dessinées à commencer par la fille avec son air de Fifi Brindacier gothique, d'affreux petits monstres qui arborent des nez de clown, qui s'agitent compulsivement entre mime et profération frontale pour raconter notre monde et déranger le confort du bien pensant prédigéré. Le tout est mené tambour battant. Une heure suffit aux trois brillants protagonistes pour mener à son paroxysme cette belle entreprise de dynamitage, dresser un paysage planétaire peu ragoûtant et tendre au spectateur un miroir qui, pour rester dans le domaine gastro-entérologique, soulève le coeur et coupe l'appétit avant que de libérer un rire salvateur. Ca déménage efficacement pour ceux qui ont jeté les trois singes de la sagesse à la poubelle.
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