Suzanne Vega est une de ces artistes dont quelques chansons font partie de notre patrimoine commun, de ces chansons qu'on reconnaît dès les premiers accords. Et pourtant ce n'est pas une artiste dont on a suivi la carrière de manière particulièrement attentive. On entend "Luka" ou "Tom's Diner" régulièrement lorsqu'on allume son auto-radio, ou lorsqu'on va dîner chez des amis et qu'une compil des années 80 tourne en musique de fonds. Parfois on aperçoit un nouvel album en tête de gondole chez le disquaire, ou une petite affiche dans le métro nous apprend qu'elle passe en concert. Suzanne Vega, on ne l'a pas oubliée, mais on s'est éloigné d'elle avec le temps, comme une lointaine cousine d'Amérique dont les nouvelles nous arrivent de manière détournée. On est content de la retrouver, mais voilà, le temps a fait son œuvre et nos chemins se sont séparés.
On a rencontré d'autres chanteuses pop folk dont la musique nous a touchés, puis on les a oubliées à leur tour, comme Beth Orton par exemple.
En 1987, Solitude Standing, le second album de Suzanne Vega se classe parmi les meilleurs ventes de disques partout dans le monde. Aucun des cinq albums qu'elle sortira ultérieurement ne connaîtra à nouveau ce succès. Pourtant elle continuait à creuser le sillon d'une pop érudite, travaillait avec des jazzmen comme Bill Frisell, et son album de 2007, Beauty and Crime sort sur le légendaire label Blue Note.
Aujourd'hui Suzanne Vega se lance dans un projet ambitieux : revisiter sa carrière de façon thématique avec de nouvelles versions acoustiques des chansons qu'elle considère comme les plus marquantes de sa carrière. Le premier des quatre CD de ce projet est consacré à ses chansons d'amours.
Parfois ces nouvelles versions diffèrent peu de l'originale. La patine du temps a fait son effet sur "Marlene on the wall" dont les arrangements sont plus dépouillés, et dans laquelle la voix porte encore plus d'émotion. Les versions de "Caramel" ou de "99.9" sont quant à elles totalement revisitées, sans l'accompagnement des cuivres pour la première, sans les percussions synthétiques pour la seconde. Ceci a pour effet de mieux mettre en valeur les talents de conteuse de Suzanne Vega, ainsi que l'évidence des mélodies.
C'est finalement sans aucune nostalgie qu'on écoute cet album, ce qui montre que les chansons de Suzanne Vega se suffisent à elles-mêmes dans leur intemporalité. Un bel album par une chanteuse talentueuse et bien trop discrète. |