Il y a du Nietzsche dans Stupeflip, et du Zarathoustra dans King Ju. Le Crou Stupeflip en deux albums a donné un enseignement de ses valeurs. Pour pouvoir construire cette "nouvelle ère du stup", il convient dans un premier temps de renverser les morales dominantes. Chez Stupeflip, on est définitivement humain, trop humain, au cœur d'une société qui l'est de moins en moins.
Il y a aussi du Residents dans les albums de Stupeflip : l'anonymat, le crou Stupeflip serait bien tenté d'instaurer à leur tour un "Third Reich'n'Roll", dans des concept albums où s'entrechoquent hardcore, rap et musique de variété. Il y a du Gogol Ier pour la pose ("Je te hais, putain de public, car je n'en veux qu'à ton fric") et du Bérurier Noir pour la forme et l'attitude vis-à-vis des média.
Il y a aussi un univers graphique, King Ju ne ressemble-t-il pas à Messire l'Inconnu dans La quête de l'oiseau du temps de Régis Loisel et Serge Le Tendre ? Vous l'aurez compris, Stupeflip est un groupe qui joue dans un champ de références très vaste, qui va bien au-delà de la gaudriole "Je fume pu d'shit". L'univers de Stupeflip est complexe, déstructuré, avant-gardiste, très éloigné de ce que BMG avait pu essayer de nous vendre rapidement comme un Licence IV – Viens boire un petit coup à la maison version chichon.
Qu'amène donc ce dvd en plus des deux albums de Stupeflip ? Il y a d'abord un concert, bien que Stupeflip déteste donner des concerts. La musique y est méchante, tranchante comme la scie d'une menuiserie et lourde comme une masse d'arme. Les chansons parfois bizarrement interrompues par une voix off. Il y a aussi un reportage dans lequel Stupeflip revient sur ses aventures depuis la sortie du premier album en 2002, un reportage dans lequel ça balance sévère. Ils donnent de nombreux détails, entre autres choses, sur leur passage à Top Of The Pop, déjà évoqué dans une chanson de l'album Stup Religion en 2005. Mais ils flinguent aussi la télé soit-disant impertinente d'Ardisson qui coupe beaucoup au montage, et expliquent comment ils ont été piégés, comme récemment Eric Zemmour qui a aussi expérimenté la méthode Ardisson. Sur les interviews, les visages des membres de Stupeflip apparaissent cachés sous des incrustations d'araignées, ce qui rappelle l'univers de Louise Bourgeois, et son exploration des traumas de l'enfance. Il y a bien évidemment aussi le clip de "Je fume pu d'shit" dans lequel apparaît le regretté Jacno, à qui ce dvd est dédié.
Le dvd ne donne bien sûr pas "Les clés du mystère au chocolat", voire épaissit le mystère, mais permet de patienter avant la parution à venir du troisième tome des aventures, entre monde imaginaire et dure réalité, du crou Stupeflip. |