La 18ème édition du Festival International des jardins qui s'est déroulée en 2009, intitulée "Jardins de couleur", se présentait comme une véritable explosion chromatique qui, même si elle mettait l'accent sur le symbolisme et le pouvoir émotionnel des couleurs, ressortait principalement du visuel et du jardin ornemental.
Novation quasi radicale avec la suivante. En effet, la 19ème édition du Festival International des Jardins intitulée "Jardins corps et âme" a choisi une thématique plus complexe, ou du moins duelle, en mêlant métaphysique et horticulture.
Métaphysique parce qu'elle évoque une approche organiciste et unanimiste de la nature, le jardin comme prolongement personnel et intime de la nature apprivoisée, et horticole, bien évidemment, mais dans une acception "thérapeutique" du terme.
En effet, "Thérapeutes de l'âme autant que du corps, les jardins 2010 sont une invitation à la sérénité et à l'harmonie" ainsi que l'indique Chantal Colleu-Dumont, directrice du Domaine Régional de Chaumont-sur-Loire, qui a également souhaité mettre l'accent sur les nouvelles applications bénéfiques des pratiques telles l'hortithérapie, la phytothérapie et l'hédothérapie notamment sur les pathologies cérébrales et neurologiques.
Le jardin est le meilleur ami de l'homme
A la visite des 24 jardins sélectionnés par le jury, présidé cette année par le neurologue Jean-Pierre Changeux, parmi plus de 300 projets venus du monde entier, deux constats s'imposent.
D'une part, au simple plan visuel, comme les plantes "utiles" à l'homme sont souvent modestes, comme pour mieux rester dans l'anonymat et le secret, leur palette chromatique est peu chatoyante et leurs efflorescences timides et ces jardins se déclinent essentiellement dans une tonalité verte.
D'autre part, pris au pied de la lettre, le thème a suscité une très grande diversité d'approches presque parfois antinomiques. Conceptuel, réflexif, immersif, illustratif ou sensoriel, le jardin n'en demeure pas moins en majesté.
A côté du "vilain petit jardin de Jean-Michel Vilain" qui cultivent les vilaines plantes et les mauvaises herbes, et de certaines propositions atypiques.
Ains en est-il avec le jardin hybride avec un salon de jazz en hommage à la chanteuse Billie Holiday ("Hommage à Lady Day"), l'éloge du thé avec sa collection de tasses et soucoupes décorées ("Bon thé, bon genre") ou
le corps et l'âme unis dans l'amour avec le ludique "Cupidon s'en fout", trois tendances se dégagent selon qu'est privilégié l'élément végétal ou le lieu dans une approche organique ou métaphysique.
Très naturellement, le jardin est d'abord le paradis des sens.
Plusieurs jardins invitent à une flânerie olfactive avec "Jardi nez" ou "Hortithérapie sensorielle" qui, avec son homme à quatre pattes le nez au ras des pâquerettes, construit un parcours de torches de jardin transformées en ampoules de senteurs, à une promenade au pays des oiseaux "Le jardin qui chante" ou à l'exploration d'un labyrinthe de couleurs et d'un espace de senteurs pour "Philocéphalus Hortus" voire pour "Contactez-moi" une sollicitation de tous les sens.
Et de communion avec la nature avec "Ma terre, Mater", "Signes de vie" et "Calligrâme" inspiré des jardins zen.
Le jardin est aussi un lieu qui est décliné de manière spatio-temporelle différente.
En premier lieu, le jardin est un havre de paix et de sérénité pour celui qui sait, même l'espace d'un instant, se retirer du monde et s'immerger dans la nature.
Lisibilité immédiate avec "Un divan dans le jardin", il est aussi lieu de méditation et de rêverie.
Méditation avec "Le creux de la main" ou le très poétique "Cheveux d'anges" avec ses chaises et sa serre qui défient les lois de la gravité et flottent sur un plan d'eau.
Onirisme avec le "Rêve dans la nature" ou "Le rêve de Pantagruel" qui fait une orgie botanique.
Enfin, le jardin est aussi conceptualisé comme une déclinaison végétale du Styx, un médium pour prendre la mesure de l'au-delà.
Ainsi en est-il avec "Métempsychose", "L'arbre à prières", le réaliste "Dix pieds sous terre", "Des racines du corps à la bulle de l'âme" ou l'étonnante maison des âmes incarnées "Iglootik ultima".
Et puis, à découvrir également, les jardins "carte verte".
"Le labyrinthe de la mémoire" de Anne et Patrick Poirier, sculpteurs, architectes et archéologues qui ont développé une œuvre autour de la mémoire également artistes invités du Centre Arts et Nature, "Main dans la main" du chorégraphe Benjamin Millepied et "Le jardin de la terre gaste" des architectes Jean-Pierre et Tangi Le Dantec architectes qui voient dans le jardin un possible "dispositif d'attaque".
A voir également "Le jardin kaléidoscopique" créé par un groupe d'enfants et d'adolescents accueillis par le service de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Blois, et partir dans le parc du château à la recherche du jardin de méditation de Erik Borja et Simon Crouzet, qui se présente comme une évocation métaphorique du fleuve Loire.
Enfin, le Domaine de Chaumont-sur-Loire propose une nouveauté avec "Jardins de lumière" qui consiste en une visite de nuit des jardins à l'aide de diodes électroluminescentes.
Ouvert tous les jours du 29 avril au 17 octobre 2009, proposant également la visite des appartements historiques et privés du château et du parc paysager dans lesquels sont exposées les oeuvres d'artistes contemporains et de nombreuses manifestations artistiques, le Domaine de Chaumont-sur-Loire offre un cadre estival enchanteur pour y passer une journée qui ne sera pas de trop pour le visiteur qui veut en découvrir toutes les richesses. |