Cela fait plus de trente ans et presque autant d'albums que Mark E Smith, taulier en chef de The Fall trimballe sa trogne de dandy prolo dans le paysage punk rock mondial. Derrière ce visage d'ancien docker bouffé par la picole (oui, désolé, mais le petit père Smith ne suce pas que des glaçons...) se cache un type lettré et connu pour son esprit acerbe et ses remarques au vitriol. Le garçon n'est pas du genre à avoir sa langue dans sa poche. Parlez lui d'Eric Cantona, véritable icône en Angleterre, Mark E Smith vous dira que ce n'est qu'un imposteur. Un excellent joueur de football, mais pas le génie que certains pensent...
Bref en gros, Mark E Smith lâche sans sourciller que si les footeux avaient un cerveau, ça se saurait. D'ailleurs en parlant de cerveau, Smith a aussi sorti pendant un concert "Nous sommes The Fall. La différence entre vous et nous est que nous avons un cerveau." Sympa... Ceux qui ne connaissent pas le coco doivent penser que ce gars là est un sacré branleur. Certes. Mais en même temps, ce type inspire le respect de la quasi majorité de ses pairs musiciens. Difficile de nier l'influence du rock rêche et abrasif de The Fall sur Sonic Youth ou toute autre formation un peu noisy. Parlez de The Fall à Stephen Malkmus de Pavement. Ou non, mieux : écouter The Fall, passez vous Pavement juste après... Vous comprendrez assez vite. Inutile de vous préciser que la personnalité particulière du bonhomme (misanthropie, tendance à vouloir un peu tout diriger, contrôler) a eu des répercussions sur le personnel de The Fall, qui a dû changer autant de fois que le nombre d'années que le groupe existe...
C'est donc avec surprise que l'on constate que pour cette cette nouvelle livraison, Mark E Smith a gardé la même équipe que sur le précédent album du groupe Imperial Wax Solvent, et visiblement cette stabilité a été bénéfique à Mark E Smith et sa troupe. "O.F.Y.C. Showcase" démarre avec une batterie martiale, droite dans ses fûts. Le chant mi-parlé de Smith déboule, un clavier krautrock à souhait s'en mêle puis Smith aboie "Your Future, Our Clutter..." Ca dépote, c'est brut, c'est bon.
"Bury Pts 1 & 3" commence comme si le groupe était branché sur une enceinte de walkman. Le son est étouffé, quasi inaudible. Clin d'oeil à la lo-fi ou foutage de gueule en règle. Difficile de savoir avec le très pince-sans rire Smith. "Cowboy George" est une cavalcade menée au galop sur fond de guitares Morriconiennes à souhait. "Y.O.F.C" et "Sippy Floor" présentent toutes les caractéristiques de The Fall : une ligne de basse, Smith qui marmonne. Et puis au bout de deux minutes une guitare noisy qui déboule.
Your Future, Our Clutter se termine sur une pseudo balade, où sur un mode plus confessionnel, Smith confie que "personne ne l'a appelé monsieur au cours de sa vie", parle d'une personne lui ayant donné les plus belles années de sa vie. Musicalement, il braconne sur les terres d'un Sonic Youth apaisé mais la mélodie est assez rapidement sapée par un drone pulsatile, dominé par la scansion inquiétante de Smith. "You don't deserve rock'n roll", murmure le mancunien dans un ultime souffle tabagique. Peut être... Mais le rock'n roll, et nous par la même occasion, avons sérieusement besoin de The Fall. |