On ressort, c'est la mode, tous les vieux rockeurs du placard en ce moment. A croire que contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, le rock est bel et bien mort et que c'est dans l'histoire qu'il faut aller piocher plutôt que de croire en l'avenir.
Cette fois ci, c'est au tour du vénérable Roky Erikson de reprendre du service après plus de 30 années passées sans sortir le moindre disque. Les plus mauvaises langues diront sans sortir tout court, si ce n'est de l'hôpital psychiatrique, et ce n'est pas la belle mais inquiétante photo sur la pochette qui pourra démentir, dans lequel il a séjourné après la séparation de son groupe historique et mythique, les 13th floor elevator.
Le temps a donc passé sans Roky et sa bande et finalement, à part se passer de temps en temps quelques vieux vinyles, ils n'ont pas manqué à grand monde. Pourtant, c'est Chemikal Underground qui est allé le débusquer et c'est avec quelques jeunots, texans tout autant que lui qu'Erikson sort donc ce True love cast out all evil. Okkervil River, formé à l'origine par Will Sheff et Jonathan Meiburg, qui vole aujourd'hui de ses propres ailes avec sa formation Shearwater, est le backing band et accessoirement le réalisateur par la main de Sheff de ce nouveau de Erikson, 63 ans et plutôt en formé finalement.
Construit pour l'essentiel autour de matériel inédit, mais pas forcément récent, ce disque est le fruit d'une sélection faite par Will Sheff parmi, dit-il, une soixantaine de titres proposés par Erikson, datant de la période psychédélique des Elevator mais également de celle moins glorieuse de son séjour en hôpital durant lequel il écrivit non pas des chansons à l'origine mais des poèmes.
Ce choix éclectique et décousu de prime abord est au final particulièrement cohérent grâce au travail de mise en musique qui offre un beau liant aux textes de Erikson. Certes, il va falloir avoir quelques affinités avec la country texane et l'americana pour en apprécier la valeur, mais le profane en la matière que je suis sait néanmoins goûter au plaisir des chansons bien faites, avec ou sans chapeau de cowboy.
Le premier titre du disque, très lo-fi, fait craindre le pire : vont-ils nous faire le coup célèbre du Daniel Johnston, en faisant chanter un gars qui n'aurait plus toute sa tête et pas davantage de voix ?
Fausse alerte, l'effet de style laisse place à des titres plus proches de Neil Young ("Me and bring me home") que de Johnston alternant folk très américaine et ballades plus folles dont l'orchestration toute country soit-elle laisse transparaître la patte Erikson, qui n'a pas survécu aux années 60 pour rien.
Le nom chaland "Think of as one" et ses cuivres ne tardent pas à convaincre tout comme la belle ballade banale piano voix "Please judge" qu'Erikson, avec ce groupe là, est encore capable de mettre la fessée à pas mal de jeunots mal dégrossis qui voudrait se prétendre Neil Young, Johnny Cash et consorts.
True love cast all evil, au-delà d'être un événement pour les plus anciens d'entre nous, est un beau disque d'americana, réussissant le mélange délicat des générations entre les jeunes Okkervil River et leur country orchestrée mais dans le respect des traditions et le rock plus tordu du vénérable Roky revenu de tous et dont la voix, qui a finalement de beaux restes, habite totalement les compositions. |