Pas beaucoup dormi pour cette première nuit et malgré le ciel couvert, la température est déjà très élevée sous la tente et impose un repli stratégique vers la plage. Hélas, la programmation alléchante des premiers groupes écourte la baignade puisque je tiens à être présent dès 18h pour la prestation de Delorentos. Les Irlandais sont décidément présents en masse pour cette seizième édition. Malheureusement, une fois de plus, le public préfère faire trempette plutôt que de venir à la pêche aux découvertes… Cette désertion relative est largement compensée par une ferveur qui rend hommage à l’énergie déployée par le groupe ! Le son et l’attitude me font penser aux White Lies : des tubes mélodiques en puissance qui méritent un meilleur sort ; l’enchaînement final "Eustace Street", "Secret", "Stop" est assez irrésistible, et le groupe, ravi de l’accueil, finira par descendre distribuer gratuitement une bonne flopée de Cds de son premier album In Love With Detail (2007).
Voilà une deuxième journée qui commence sur les chapeaux de roue. Difficile d’enchaîner et pourtant je me risque sur la scène Eastpak pour voir un extrait de Cola Jet Set. Pour faire court, ces Pipettes espagnoles, toutes de rouge vêtues, nous servent une pop chalala assez indigeste ; comme la boisson, beaucoup trop sucrée à mon goût.
Je me replie donc sur l’Escenario Verde pour rejoindre Fionn Regan (encore un Irlandais) qui joue sa folk mélancolique devant une scène déserte. Petite erreur de casting car les Delorentos auraient bien mérité la grande scène. Le temps de se restaurer et voilà le premier choix délicat : les étranges Triangulo de Amor Bizarro, affublés du titre de Pixies espagnols (donc forcément intrigant) ou JJ le mystérieux duo suédois qui officie à la même heure ?
J’opte pour la deuxième option, tant leur album JJ n°2 m’avait remué (le dernier en date, le n°3, beaucoup moins) avec une pop planante et rafraîchissante. J’arrive donc avec beaucoup d’espoir… première surprise, la demoiselle (Elin Kastlander) débarque seule sur scène et entame le concert sur fond de bande son enregistrée, ce qui est toujours regrettable. Les premiers titres, presque a capella, me rassurent sur ses qualités vocales impressionnantes.
Mais manifestement elle joue la montre et jette des regards désespérés vers les coulisses, attendant la venue tardive de son acolyte (alcoolique fonctionne aussi), qui finit par pointer le bout de son nez, dans un état second. L’attitude est détestable et d’une désinvolture insupportable : il va taxer une cigarette à une des assistantes, prend une guitare, joue trois accords à contretemps, embrasse langoureusement sa belle qui lui jette des regards admiratifs. Ils sont finalement parfaitement en adéquation avec le premier couplet de leur chanson "Ecstasy" (au passage complètement massacrée), "When I'm in the club I'm always on a drug". Il finit par se retirer non sans avoir offert son T-Shirt à la foule en souvenir de sa prestation (autant dire que si je l’avais reçu, je lui aurais renvoyé avec délectation). Elin essaie de sauver les meubles mais chante de plus en plus faux ; le grotesque est atteint sur une reprise finale du "Lithium" de Nirvana qui l’émeut aux larmes et dont elle mettra plusieurs minutes à se remettre… Bref, LE ratage du festival.
Je repars très en colère et vais écouter quelques titres apaisants de Sr Chinarro le vétéran espagnol, avant de rejoindre la grande scène pour Julian Casablancas, évadé de ses Strokes. Le concert est assez réussi et Julian semble vraiment être l’homme le plus cool du monde ! Si ses titres en solo sont acclamés comme il se doit, c’est vraiment lors des multiples reprises des Strokes ("Hard to Explain", "Modern Age"…) que le public se déchaîne. La fin du set est plus pénible, notamment à cause d’un son trop puissant qui m’oblige à déserter le premier rang.
Pas le temps (ni le courage) de traverser le site pour aller jeter une oreille sur la révélation Mumford & Sons, je préfère attendre sagement Hot Chip. Le groupe britannique m’avait complètement pris par surprise en 2008, sur une petite scène, avec un public surexcité duquel j’avais eu un mal fou à m’extraire ! Aujourd’hui, ils ont droit aux honneurs de la grande scène et c’est avec un set plus assagi qu’ils vont remporter l’adhésion de la foule. La première partie fait la part belle à leur dernier album One Life Stand moins immédiat ; la deuxième moitié du concert fera définitivement sautiller le public nombreux, notamment sur un "Over and Over" et un "Ready for the Floor" très réussis.
Petit détour par Goldfrapp que la foule agglutinée m’empêche d’approcher. Les deux titres entendus ne m’ont pas forcément convaincus mais leur electro pop semble toujours aussi efficace.
Retour sur la grand’scène pour le show très attendu des Vampire Weekend. Ezra Koenig et sa bande sont en grande forme et propose leur pop matinée de rythmes africains devant un public présent et conquis. Je fais le choix difficile d’écourter la séance pour ne pas perdre une miette d’un des évènements du festival : la présence de Peter Hook performing Unknown Pleasures, le premier et mythique album de Joy Division, dans son intégralité. La scène arbore déjà un poster géant de la pochette noire et blanche de l’album avec ses lignes mystérieuses et sobrement intitulé Unknown Pleasures, Manchester England.
Là encore, la foule a répondu massivement présent, même si la moyenne d’âge est d’un coup plus élevée et que l’on sent une certaine électricité / excitation dans l’air. Ma plus grosse crainte réside dans le chant… qui va oser prendre le relais de Ian Curtis et surtout comment vont être perçues ces chansons sans leur leader emblématique ? Le groupe déboule, mené par un Hooky des grands soirs ! Il est visiblement ravi d’être là, cabotine et martyrise sa basse dans tous les sens, prenant des pauses le bras levé au plus grand bonheur des photographes présents. Sa célèbre posture à la basse, souvent copiée, jamais égalée, refait surface et c’est bien lui qui va assurer l’intégralité du chant ce soir. Alors bien sûr, dès le premier titre ("At A Later Date"), les puristes font la grimace et secouent la tête de dépit : Peter Hook passe le plus souvent en force, là où Ian Curtis était tout en tension… Mais honnêtement, le son est énorme, les musiciens très bons, la batterie martiale, si bien que l’on a quand même l’impression de vivre des instants rares. D’autant que le groupe ne se contente pas d’Unknown Pleasures mais pioche allègrement dans le catalogue de Joy Division, pour notre plus grand plaisir ("Warsaw", "Leaders of Men", "No Love Lost"…). Le final, avec l’enchaînement de "Transmission" et un "Love Will Tear Us Apart" cataclysmique finit d’embraser la foule.
Je quitte la scène un peu hagard, le refrain résonnant longtemps dans les oreilles, pour me diriger vers l’Escenario Verde où DJ Shadow doit se produire après quelques années d’absence. J’avais beaucoup apprécié sa prestation à la Route du Rock en 2002, tout en simplicité. L’habillage est un peu particulier : il prend place (et disparaît) dans une capsule au centre de la scène sur laquelle sont projetés simultanément deux signaux vidéos, créant un effet de relief assez étonnant. Du coup, il est complètement coupé du public et cette distance est un peu gênante, tout comme les messages projetés avant le début, à la gloire de l’artiste ("DJ Shadow n’a pas sorti de nouvel album… mais il a de nouveaux titres pour vous", "voulez-vous les entendre ?"). Le set, assez court, sera en effet majoritairement composé de titres connus issus de Endtroducing… et The Private Press, plus quelques nouveautés dans le même esprit. Les séquences vidéos sont assez bluffantes, mais on reste un peu sur notre faim… On attendra l’album pour juger.
Il est temps de rejoindre le camping, non sans passer devant l’Hacienda Night qui bat son plein, comme aux plus belles heures Mancuniennes (je ne vous cache pas qu’après avoir rédigé ces quelques lignes, je viens de revisionner 24 Hour Party People et Control… est-ce normal docteur ?). |