20 ans, en voilà un bel âge ! Pour cet anniversaire, les organisateurs de la Route du Rock ont décidé de faire venir, une fois encore, du beau monde. Entre Yann Tiersen, Caribou, Liars, Massive Attack, The National ou Flaming Lips, les spectateurs trouveront forcément quelque chose à leur goût.
Arrivées de bonne heure au camping, il n’est pas difficile de trouver un emplacement. Mission : du calme et pas trop de mecs bourrés qui tomberaient sur notre tente au plein milieu de la nuit. Alors qu’on croyait que c’était chose faite, profitant d’une petite pause pour prendre des forces avant le marathon Route du Rock, il nous faut nous déplacer, des festivaliers vrais de vrais, déjà souls à 15 heures, ayant élu domicile juste à côté de nous. A peine le temps de replanter notre tente qu’il nous faut partir au Fort pour les premières conférences de presse et le début des concerts.
Joli cadeau d’ouverture au milieu d’un mois d’août au temps capricieux, le soleil a décidé d’éclairer Saint-Malo. Le site a été aménagé en hommage aux artistes qui ont fait la renommée et la durabilité du festival pendant vingt ans par le collectif Labor/Dur. Des sacs de sable ont été installés façon bunker, siglés de l’emblème de la Route du Rock, la cassette et la tête de mort. Sigur Ros, The Cure, Arno, Air… Des noms qui ont marqué l’histoire du festival.
A peine les portes ouvertes, les sacs remplissent leur office et reçoivent les fessiers des festivaliers en attente du début des concerts, au son d’un DJ set de Magnetic Friends. Les quatre filles de Dum Dum Girls font leur apparition sur scène avec à peine cinq minutes de retard. Le festival est placé sous le signe de la ponctualité, ce qui se confirmera tout le long de la soirée. Toutes de noir vêtues, bas résille troués, elles remplissent peu la scène, regroupées au milieu.
Devant un public plutôt dispersé, elles tentent de mettre l’ambiance. Pas facile de jouer en premier, le premier jour ! Leurs mélodies huilées aux accords et rythmes faciles ont du mal à faire bouger les spectateurs qui préfèrent regarder de loin ou sur l’écran géant, tranquillement assis sur leurs "poufs", une coupe de champagne à la main, anniversaire oblige.
Les filles bougent peu sur scène et leurs voix parfois peu harmonieuses n’arrivent pas à convaincre.
Les applaudissements sont timides. Profitant du soleil, les festivaliers rentrent tard de la plage. On sent que le festival débute à peine, la foule est parsemée dans le fort.
Owen Pallett arrivera-t-il à mettre plus d’ambiance ? Le jeune Canadien arrive seul sur scène, violon à la main. Mèche longue, bonnet rayé rouge vissé sur la tête, lunettes de soleil.
Un seul musicien alors que son dernier album Heartland a été enregistré avec l’orchestre symphonique de Prague ? Pas de problème pourtant pour retranscrire l’esprit de l’album pour l’ex Final Fantasy.
Son acolyte Thomas Gill le rejoint sur scène pour l’accompagner à la basse et à la batterie. Fidèle à ses envolées mélodiques, il fascine par sa maîtrise du violon, sa voix bien placée et sa capacité à faire croire qu’ils ne sont pas que deux sur scène. Pourtant le public ne semble pas conquis. Il manque un petit quelque chose.
Cela transcende, ça touche, ça emporte émotionnellement, mais il manque un peu d’action pour le deuxième concert de la journée. Il arrive cependant à faire l’unanimité sur son morceau de rappel, une reprise de "Odessa" de Caribou, ses compatriotes qui regardaient le show en backstage. Danse, cris, la foule se motive.
Yann Tiersen était très attendu pour cet anniversaire. La population est constituée de fans de longue date. Une festivalière semble peu apprécier : "La présence de Yann Tiersen à la Route a fait monter la moyenne d’âge de façon alarmante !" fera-t-elle savoir via les réseaux sociaux.
Il propose pour cette vingtième édition du festival son prochain album, Dust Lane, qui sortira le 4 octobre prochain, qu’il a voulu plus rock qu’à son habitude. Le Breton se produit sur scène avec quinze musiciens polyvalents : violoncelles, batteries, basse, banjo, clavier, xylophone, guitare, harmonium, trombone… un véritable orchestre, essentiellement masculins…
On retrouve parmi eux Matt Elliott, Josh T. Pearson et Laetitia Shériff. Il aurait pu y avoir quelque chose d’intéressant dans cette présentation en avant-première. Mais déception. Les batteries sont fortes, on entend à peine les chœurs, les trombones et les violoncelles se font tout petits. Dommage de ne pas profiter au maximum de tous ces instruments réunis sur scène. Les morceaux s’enchaînent, toujours instrumentaux. Un style qu’il faut apprécier pour ne pas trouver le temps long.
Yann Tiersen quitte une première fois la scène, le poing levé, et longuement applaudi. Rappelé, il s’en donne à cœur joie. Il reprend au violon son fameux morceau présent sur la B.O du film Amélie Poulain, passage peut-être obligé pour se faire reconnaître auprès des non-initiés. Le dernier morceau, ressemblant à une longue adaptation musicale de l’apocalypse, se fait encore entendre après que les musiciens ont quitté la scène.
Après un interlude, durant lequel il faut bien se sustenter, les Américains de The Black Angels font leur entrée. En conférence de presse, plus tôt dans la journée, ils avaient laissé entendre qu’ils laisseraient place à l’improvisation. Habitués à jouer avec des supports multimédias, ils doivent faire sans, mais cela n’entache en rien leur prestation.
Très contents d’être présents à la Route du Rock, ils remercient le public et les organisateurs avec leur pêche. Distorsions, psychédélisme, les Texans font ce qu’ils ont l’habitude de faire, mais le font bien. Présentant des morceaux de leur prochain album qui devrait sortir en septembre, ils motivent un public conquis à le découvrir.
Vient le tour de Liars. Désormais basés à Los Angeles, ils jouent essentiellement leur nouvel album Sisterworld. Mais ils avaient prévenu : si on comptait entendre l’album comme sur l’album, ce n’était pas la peine de venir. Et on n’est pas déçu. Angus Andrew le chanteur se donne. Occupant toute la scène, tirant sur le fil du micro comme un beau diable. Sa boîte à effet tombe, son micro ne fonctionne plus. Et la technicienne de s’affairer pour le remplacer pendant qu’Angus récupère celui d’Aaron, le guitariste. Alors qu’il continue de parcourir la scène et d’exciter le public, ses grands cris sont repris par nombre fans. Toujours adeptes des morceaux déconstruits, on a parfois l’impression que les musiciens jouent chacun dans leur coin sans se préoccuper des autres, mais au même moment les guitares s’accordent.
Plaçant dès qu’il peut les mots français qu’il connaît : saucisson, fromage, le chanteur entonne même le premier vers de la Marseillaise, repris par le public. Continuant d’essayer de rattraper le bazar foutu par Angus sur scène, la technicienne est même gratifiée d’un "je t’aime". Le concert se termine, rapidement, sur des bons coups de guitare et de batterie.
Pour terminer cette journée en beauté, Dan Snaith et son groupe Caribou ont décidé de faire danser les derniers spectateurs, dont le taux d’alcoolémie atteint parfois des records. En formation serrée au centre de la scène, bien éclairés, les musiciens arrivent à faire oublier l’heure tardive et la fatigue avec leurs morceaux dansants.
L’électro soutenue par une guitare, une basse, un clavier et une batterie n’oublie pas les mélodies pop, aidées par les voix du leader et de son guitariste. Il est déjà bien tard dans la nuit quand les derniers spectateurs quittent le devant de la scène, du bon son plein les oreilles. Certains ont du mal à regagner leurs tentes et restent assis à l’entrée du site. S’ils passent la nuit sur place, ils sont sûrs de ne rien louper de la bonne programmation de samedi. |