Comédie
dramatique d'Alan Ayckbourn, adaptation de Michel Blanc, mise en
scène de José Paul avec Isabelle Gélinas, Bruno
Madinier, Lysiane Meis et Chick Ortega.
Alan Ayckbourn, auteur dramatique britannique prolixe, le plus
joué après Shakespeare dit-on, mais également
librettiste et metteur en scène de comédies musicales,
est un bon faiseur qui sait croquer avec finesse, humour, justesse
(Alains Resnais qui l'a adpaté dans "Smoking/No Smoking"
ne s'y est pas trompé) mais aussi une certaine cruauté,
les petits travers et obsessions de ses contemporains sans jamais
tomber dans la caricature.
Ses personnages sont fait de chair et de sang, ce qui donne une
dimension profondément humaine aux sentiments qu’ils
nous dévoilent, et leurs relations ne sont pas neutres ;
ils vivent ensemble, comme dans la vie, le temps d’une croisée
de destins et leur rencontre change non seulement leur parcours
mais également leur moi profond.
Raffolant des intrigues qui tourbillonnent et qui s’imbriquent,
avec "L'amour est enfant de salaud" ("Things We Do
For Love"en version originale) il nous emmène dans un
immeuble londonien à trois niveaux occupé par un quatuor
où se déroule trois histoires d'amour qui vont se
télescoper. L'argument classique : l'attrait des contraires.
Gilbert, le postier homme à tout faire un peu rustre, voue
une passion platonique bien qu'obsessionnelle à Barbara,
la propriétaire, jeune yuppie aux allures de garçonne
des années 20, confinée dans le célibat et
l'abstinence sexuelle. Leur vie "statu quo" est pertubée
par l'arrivée d'une poupée de porcelaine, la mutine
Nikki, amie de lycée, avec son fiancé Amish, un grand
écossais tout simple qui affectionne les tenues décontcactées.
Michel Blanc nous propose une adaptation tout à fait réussie,
quand on connaît la difficulté de traduction des expressions
idiomatiques ango-saxonnes, (rappelez-vous les "Quoi ?"
de celle de "La Campagne" de Martin Crimp par Philippe
Djian joué fort brièvement cette saison), tout en
restituant l’humour et les préventions propres aux
iliens d’Outre-Manche et particulièrement aux anglo
anglais et José Paul, actuellement à l’affiche
dans "Un petit jeu sans conséquence", assure une
mise en scène tout à fait réussie, presque
invisible, entre boulevard et intellectualisme, évitant les
écueils de la facilité du premier et de l’ennui
du second privilégiant l'ironie et le sourire même
s'il est un peu jaune. Il faut dire qu’il est servi par une
distribution judicieuse.
Face à l'excellente Isabelle Gélinas, Bruno Madinier
explore avec bonheur un registre bien différent de son personnage
de héros de série télé et leurs confrontations
sont explosives. Quant aux seconds rôles, qui ne sont pas
des utilités, Lysiane Meis et Chick Ortega font preuve de
bien des talents pour passer de la naïveté à
l'émotion.
Une bien belle réussite, neuf fois nominée et doublement
moliérisée en 2004 (meilleur spectacle de divertissement
et meilleur spectacle privé). |