L'écrivain portugais Gonçalo M. Tavares a inventé un singulier quartier virtuel, "O bairro", peuplé de personnages, à s'en tenir aux traductions actuellement disponibles aux Editions Viviane Hamy, essentiellement masculins, portant un patronyme célèbre du monde des arts et lettres.
Dans cette cité qui s'apparente à un panthéon personnel, chacun emprunte à l'univers de son prestigieux homonyme pour dispenser de percutantes considérations philosophico-métaphysiques sur la condition humaine.
Après "Monsieur Calvino et la promenade", "Monsieur Kraus et la politique" et "Monsieur Valéry et la logique", voici, "Monsieur Brecht et le succès" qui, du burlesque au nonsense, dresse un panorama subtil et inquiétant du monde et de l'homme.
Placé sous le signe du dramaturge allemand Bertold Brecht, cet opuscule montre, sous forme de paraboles parfois n'excèdant pas une phrase, un homme absurde dans une société absurde - ce a souvent conduit inéluctablement aux tragédies historiques qui scandent l'histoire mondiale - qui ressortissent davantage, semble-t-il, de l'absurde éliminant le déterminisme logique et présentant un homme immuable que du registre du chantre du théâtre épique et politique qui considère le monde comme transformable.
Cela étant, ces petites histoires noires découpées au scalpel dans le vif de la pâte humaine déploient, telles par exemple, la manucure reconvertie en tortionnaire, les touristes qui bronzent sur une terrasse surplombant un champ de bataille armée, le faussaire défunt qui est victime d'uneconfusion d'identité, et ce même dans leur brièveté, une acuité et une résonance contemporaines époustouflantes et prêtent à une glose sidérante, au sens premier du terme, tant philosophique que métaphysique.
A lire donc de manière quasi homéoptahique pour entirer la substantifique moelle. |