Comédie de Eugène Labiche, mise en scène de Philippe Naud, avec Ellyn Dargance, Caroline Hestin, Isabelle Erhart, Marianne Carion (ou Marion Hivert), Jacques Dennemont, Cédric Grimoin, Richard Sorge et Stéphane Muller.
Avec "Le plus heureux des trois", comédie-vaudeville articulée autour du cultissime et éprouvé trio que forment le mari la femme et l'amant, Eugène Labiche répond sans ambages à la question induite par le titre.
Bien qu'elle renverse un peu la logique du poulailler en devenant la poule aux deux coqs, il ne s'agit pas de la femme (superbe Ellyn Dargance qui donne quasiment de la distinction affectée à l'archétype de la petite bourgeoise qui n'a pas encore totalement quitté les semelles de plomb de ses origines tout en affectant déjà des airs de grandeur) qui, entre deux transes pseudo-amoureuses, tremble autant pour sa réputation que pour la pérennité de son mariage.
Pas davantage de l'amant, jeune célibataire dont l'alternative sexuelle de l'époque, la cocotte ou la femme mariée, choix réduit à la seconde branche pour l'amant désargenté qui, en l'espèce, est exploité par le mari et instrumentalisé par l'épouse, à qui Cédric Grimoin donne une vraie consistance, alternativement ridicule et pathétique, de freluquet voué à la victimisation.
Alors, fort étonnement, c'est bien le mari qui est ici le plus heureux : un véritable coq en pâte qui n'est pas un prix de vertu, entretenant plusieurs liaisons extra-conjugales, et qui, tirant habilement les ficelles sous son air bonhomme (Jacques Dennemont impérial) a lucidement organisé sa tranquillité domestique en se faisant bichonner par l'amant de sa première épouse défunte (Richard Sorge épatant dans le rôle de l'amant-second mari) et en manipulant le neveu de ce dernier pour en faire non seulement, et à domicile, un objet de distraction pour sa seconde épouse, mais également son homme à tout faire.
Billets compromettants et pieds dans le plat sont à l'origine de quiproquos jubilatoires qui turlupinent ce quintet saisi par la folie des petits arrangements entre amis sans pour autant compromettre la pérénnité de classe et à côté duquel l'auteur a placé l'incontournable jeune fille à marier (Marianne Carion qui joue de manière juste la petite oie blanche qui sait déjà ce qu'elle veut).
Et surtout un de ses autres sujets de prédilection après l'institution maritale, la satire ancillaire avec la brave bonne qui aime trop les pompiers (Isabelle Erhart) et un inénarrable couple de domestiques alsaciens réputés de confiance composé de celle qui a fauté avant le mariage et qui s'accommodera bien des appétits du maître de maison (Caroline Hestin pétulante) et d'un sacré bougre cynique et un peu gredin, partition de choix pour
Stéphane Muller au potentiel comique stupéfiant.
Philippe Naud met en scène cette comédie divertissante avec ce mélange de sobriété et de folie qui sied aux comédies de Labiche, qui, pour tout autant dépourvues de fiel qu'elles soient, épinglent les moeurs de la classe sociale qui est la sienne, et à qui il n'en veut pas "ainsi que le chasseur n'en veut au lapin qu'il tue". |