Dans Silence, on pense (silenzio ! si pensa…), Alex Bianchi est un strasbourgeois qui revendique ses racines italiennes, voilà de quoi titiller les curieux avides de goûter un peu du mélange choucroute-pizza. Franchement, j’ai trouvé la photo démodée, un peu comme sur les affiches pour des concerts de sosies. Mais continuons.
D’abord, j’ai eu envie de comparer sa voix à Edgar O’Malley, l’aristochat roi du jazz, un bon début. Et puis ma comparaison a glissé sur Brassens, puis sur Jeanne Moreau un matin après une soirée à s’époumoner dans un grand stade. Et je n’aurai jamais dû continuer à écouter parce que ma comparaison a glissé sur le mec énervant avec un gros pif dans cette série sur des flics mal dégourdis, et a encore glissé sur un engrenage de machine rouillée. Et je suis allée faire des courses. Parce que ça m’a énervé.
Et la chanson en italien à laquelle je ne comprends rien, elle n’existait pas cette option dans mon bahut… ça fait crooner l’italien, ça fait beau gosse, mais qu’est-ce que ça m’a soulé là… Et quelle idée de faire rimer grossesse avec sagesse, j’ai deux-trois exemples en travers de la gorge démontrant le parfait contraire. Et il faut vraiment être en panne d’inspiration pour caser le mot névrose dans un texte optimiste.
Les textes ne sont que des petits bouts de phrases collés les uns aux autres pour faire des rimes, ça manque cruellement de poésie, on voit toutes les coutures, ça fait comme la cicatrice sur mon front, c’est pas joli. Et du coup, je n’ai pas compris toutes les rimes très académiques et obscures.
Je me suis demandée longuement ce qui clochait dans cet album, parce que la musique derrière est un mélange de blues et de soul, avec une touche de reggae, rien de bien énervant là-dedans. Et puis j’ai trouvé : les phrases ne sont pas conjuguées ! Puisque un peu de grammaire n’a jamais fait de mal aux mortels, en voilà un bref extrait. Pour faire vivre un texte, on a la rime, la métaphore, l’ellipse, la paraphrase, la périphrase et compagnie, mais le verbe conjugué est le roi de la poésie. La preuve ? Si Baudelaire avait écrit "Homme libre, toi la mer chérir et contempler", sa poésie ne lui aurait pas survécu.
Un verbe pas conjugué, c’est une vérité lancée sur un ton autoritaire et justicier, alors que conjugué, il est une invitation adressée à je, tu, nous, vous… Après, chacun ses goûts. Moi, je préfère les adjectifs… |