Texte de Samuel Beckett, mise en scène de Robert Wilson, avec Adriana Asti et Giovanni Battista Storti.
L'illustre metteur en scène de spectacles pharaoniques Robert Wilson, presque plus connu sous le prénom de Bob, voulait être à l'affiche du Théâtre Athénée-Louis Jouvet. Voilà qui est fait avec un spectacle aux dimensions adéquates pour le lieu avec "Oh les beaux jours" de Samuel Beckett.
Pour Ellen Hammer, qui a assuré la dramaturgie du spectacle, le bonheur est au coeur de cette pièce sans intrigue, thématique que Beckett n'a jamais explicité, se contentant de renvoyer aux mots, à travers le personnage de cette vieille femme d'une terrible lucidité qui, malgré la conscience angoissante de la finitude de la vie, continue chaque jour de reproduire les mêmes rituels et de se persuader, par une démarche positive, que la vie est belle. La méthode Coué pour ne pas céder à l'angoissante panique d'une mort inéluctable malgré la présence de son compagnon lui-même anéanti.
Plasticien, Robert Wilson signe également, comme à son habitude, la scénographie qui se révèle d'un sublime esthétisme absolu et métaphysique : vélum en fond de scène pour un horizon ouvert sur un néant infini d'un blanc aveuglant comme la révélation ou d'un mystique bleu Klein, orage en néon à la Dan Flavin avant l'obscurité éternelle et terre noire calcinée d'où émerge un piton éruptif aux arêtes vives.
Un voile léger comme un zéphyr, comme une page qui se tourne, découvre la scène. Winnie, aspirée jusqu'à la taille, ne résiste pas à cette terrestre et fatale attraction. Elle se contente de vivre, ressassant son unique credo, "Oh le beau jour que ça va être encore aujourd’hui", moulin à paroles pour conjurer la mort qui s'adresse parfois à Willie, son compagnon d'infortune, enseveli en contrebas et dont la présence se résume à des déflagrations organiques et à la contemplation d'images érotiques.
Giovanni Battista Storti donne la réplique à Adriana Asti, grande comédienne italienne au palmarès cinématographique et théâtral impressionnant. Casquée de crans jaunes, grands yeux charbonneux, magistrale, fascinante et émouvante, elle joue en français et nourrit le rôle de la musicalité chantante de sa langue maternelle qui rend le texte particulièrement sensible et humain. Une belle performance pour le minimalisme beckettien. |