Comédie burlesque de Copi, mise en scène de Laurent Fréchuret, avec Philippe Baronnet, Elya Birman, Elizabeth Macocco, Nine de Montal et Rémi Rauzier.
Inspiré par la symbolique du rat telle qu'elle a été déclinée par deux auteurs oeuvrant dans l'écriture de résistance politique, Laurent Fréchuret ouvre la saison du Théâtre de Sartrouville, dont il est directeur, par un percutant diptyque, "Le diptyque du rat", composé d'un monologue dramatique adapté du roman "Une trop bruyante solitude" du tchèque Bohumil Hrabal et d'une pièce courte.
La pièce courte c'est "La pyramide" de l'argentin Copi, qualifiée de "vaudeville cannibale", dont le personnage principal est un rat
Copi, avec le style surréaliste et grotesque qui le caractérise, cette ême argentine qui rit et qui pleure en même temps, a écrit, en un raccourci stupéfiant, une fable moderne sur l'histoire de son pays qui aurait pu s'intituler "La reine, sa fille, le jésuite et le rat des villes".
Dans un royaume décimé par l'immobilisme, abandonné à son sort par le nouveau pouvoir politique, la dernière reine inca, sa fille et un jésuite tournent en rond dans une pyramide, vestige de la splendeur passée d'une civilisation disparue et néanmoins bastion imprenable qu'ils défendent à belles dents. D'autant que leur seule préoccupation est de survivre, même au prix d'un cannibalisme assumé.
Tout ce déséquilibre autarcique est troublé par l'arrivée de chair fraîche en la personne d'un rat des villes millionnaire qui roule en Cadillac et revient humer sa pampa natale en nostalgique mais également intéressé par le sous-sol riche en or noir, signe précurseur d'une seconde deuxième extermination historique.
Dans une scénographie inventive et ludique de Stéphanie Mathieu, Laurent Fréchuret immerge le public au sein de la fameuse pyramide avec un dispositif trifrontal pour assister à une curée aussi triviale que jubilatoire. Il dirige les comédiens avec autant de rigueur que de bride sur le cou pour distiller la langue sauvage et "désespérement joyeuse" de Copi.
Il dirige avec un bonheur et une réussite évidentes un quintet de comédiens qu'il connaît bien et qui se montrent particulièrement percutants dans cette baroque sarabande dadaiste.
Philippe Baronnet est l'énigmatique vendeur d'eau et Rémi Rauzier campe un désopilant un père jésuite à l'habit équivoque et père, au sens premier du terme, d'une fille dénaturée à laquelle Nine de Montal apporte une fraîcheur toute vénéneuse.
Impériale et fascinante, Elizabeth Macocco donne à la reine aveugle, avec exultation, une fantaisie aussi élégante que délétère et l'érige au rang des grandes héroïnes du répertoire. Une reine qui, au terme d'une délirante danse de mort, croquera le fameux rat, incarné avec justesse par l'excellent Elya Birman, un rat argentin en diable, cheveux gominés, costume de danseur de tango et pelisse de producteur hollywoodien, qui, pour une fois, manquera de flair pour quitter le navire à temps. |