Nul besoin d’un dessin ou de longues phrases pour décrire Frédéric Paulin, il suffit de jeter un œil à sa biographie, et Le Clébard à sa mémère et La Grande Déglingue sont deux titres suffisamment évocateurs pour cerner le personnage satirique (forcément).
Dans La Dignité des psychopathes, il décape la Seconde Guerre Mondiale, sans jamais la citer. Et c’est là qu’il est balaise le sieur Paulin, il raconte, il dialogue, il emmène, sans citer, sans placer, laissant au lecteur la liberté de la mise en scène. A vous de positionner ses personnages plus moribonds les uns que les autres dans une pièce, dans un bar à bulles de votre choix. Et débrouillez-vous pour attribuer les paroles aux bons protagonistes.
Parlons-en des dialogues, comme des extraits de vraies conversations, avec des fautes de styles, des abréviations, des trucs qu’on entend dans la vraie vie, des surnoms, des mots fleuris dès la troisième ligne, des périphrases imagées en veux-tu, en voila.
Paraît que c’est audiardesque tout ça.
Pour ce qui est de l’histoire du roman, c’est une fidèle image du salmigondis qui régnait en Europe en 1944, de quand c’était cuit pour les uns et foutu pour les autres. Des collabos qui retournent leur veste, des déserteurs qui pointent leur nez, un Maréchal terré à Sigmaringen (non, ce n’est pas un gros mot, c’est un "petit bout de France pétainisé"… ça c’est un gros mot).
Vous trouverez aussi des espions, des agents triples, des requins avec des dents comme ça, des gens louches qui louchent sur un meilleur statut, des susceptibilités personnelles parmi La susceptibilité collective… vaste programme.
Et, comme tout roman historique, surtout ceux traitant des conflits guerriers, mis à part l’égrenage des héros, des déserteurs, des intrigants, des points de vue comme ci, des divergences d’opinion comme ça, il y a une question "et nous, qu’aurions-nous fait ?". La réponse attendue est évidemment celle que nous avons tous au bord de notre cerveau bien lavé "résister, défendre, protéger son pays à n’importe quel prix".
Mais ce roman incisif a quelque chose de plus qu’un simple roman historique, il nous dit franchement que nous n’aurions pas forcément été de ces rares justes, mais probablement un de ces êtres fatalement pleutres, un de plus qui aurait courbé l’échine devant l’envahisseur, nous aurions peut-être même été de ceux qui se taisent, de ceux qui collaborent pour ne pas être pris, et de ces poltrons qui auraient retourné leur veste ensuite.
Est-ce qu’on est des lâches quand on veut sauver sa peau ? |