Résident à Paris, Tricky y a enregistré ce Mixed Race en collaboration avec
Bobby Gillespie, chanteur et leader du groupe Primal Scream. Tricky, qui peut encore nous étonner, même si avec des rondelles telles que Maxinquaye (un morceau comme "Aftermath", quelle tuerie !) ou Pre-Millennium Tension (où figure le superbe "Christiansands"), il avait installer durablement sa patte d'expérimentateur inspiré dans un trip hop sombre, tendu, inégalable.
Il avait ensuite toucher à la soul ("Excess", quel morceau aussi !), le hip hop aux sonorités indiennes (album Juxtapose) et ensuite les choses se gâtèrent avec un mélange d'electro et de guitares lourdes pas toujours inspirées, notamment sur Knowle West Boy.
C'est bien là le problème : depuis quelques années, le dur sensible de Bristol ne marque plus les esprits, même s'il a toujours le désir de se renouveler.
Au rayon satisfaction de ce Mixed Race, citons d'abord "Every day", morceau d'ouverture qui propose une inspiration musicale fort sympathique, association de reggae (pour la ligne de guitare), d'un brin de blues avec l'harmonica en fond et de gospel.
Seul bémol, le morceau s'arrête net au bout de 2 minutes 20 alors qu'il aurait pu partir en délire.
De bonne augure en tout cas.
Le "UK Jamaican" qui suit - plus qu'une inspiration du "Technologic" de Daft Punk - en est carrément une reprise bien calquée.
On ne peut pas dire que ce soit une version revisitée, loin de là.
Tricky a juste été assez malin pour remplacer le timbre métallique du robot par une voix féminine bien hip hop et mettre en lieu et place du synthé un gimmick de guitare funky.
On va être gentil, une version funk/r'n'b aussi dansante que le hit de Daft Punk qui avait explosé les dance floor.
Le morceau n'est pas désagéable.
Tout de suite derrière, ce "Early bird" me plaît bien, on retrouve une ambiance cool, confinée, pour un titre assez jazz (dommage toutefois que les cuivres tournent en boucle).
Le chant posé à deux voix - Tricky + une voix féminine - est une riche idée.
Sur "Come to me", à quoi sert donc cette intro de "The girl from Ipanema" ?
Pas grave, le morceau et sa tonalité jazz et boogie (juste pour le vieux son des guitares) a pas mal de classe et enfin, d'une durée acceptable (4 minutes).
"Time to dance" est un morceau electro bien foutu, bien arrangé, un peu "Chemical" sur les bords, entraînant comme son nom l'indique et qui aurait mérité de s'éterniser un peu plus du coup.
Malheureusement, pour 5 morceaux bien troussés (mais un peu court, on le répète), autant de titres décevants. Ainsi, "Ghetto stars" est franchement trop chargé, des cordes, un son de guitare moche, des bruits à foison, des échos sur les voix... Le morceau est barré, certes, mais la production est trop poussive.
L'electro oriental pesant "Hakim" où s'illustre Rachid Taha n'a vraiment pas sa place dans un album de Tricky. Quant à "Really real", avec son synthé un peu sombre et hypnotisant, ses cordes glissées, il pourrait être la marque d'un bon trip hop à la Massive Attack du début mais il ne décolle jamais.
Et s'éteint comme un pétard mouillé au bout de 2 minutes 20.
Finissons sur ce "Murder weapon", encore une reprise, d'un morceau reggae d'Echo Minott (lui-même utilisant un sample de "Peter Gunn Theme", revisité jadis par les Blues Brothers, les Cramps, Art of noise...).
Cette version, plus electro, n'a rien d'exceptionnel.
Pour résumer, Tricky a sorti là une galette se voulant plus accessible, intéressante à mélanger reggae, jazz, funk, nappes electro par petites touches, mais voulant rendre hommage à ces genres (par le biais des reprises également), il n'a pas donné de style propre à ce Mixed Race.
La faible durée d'ensemble des morceaux montre aussi que l'objet n'est pas abouti, ni franchement construit.
Les intentions de Tricky sont bonnes sur ce neuvième effort, mais il n'a plus sa rage et son énergie habituelle, cet album n'est pas assez rentre-dedans et s'avère trop cool, trop tranquille.
Ce serait bien pour du Air mais ici il s'agit de Tricky, fichtre !
Dans sa discographie, Mixed Race est différent du reste, mais sans conviction.
Tricky se serait-il assagi ? Non, on ne peut pas le croire. |