La première fois que j'ai croisé Bertrand Belin, c'était pour la sortie de son premier album. L'homme modeste et timide donnait un petit concert privé pour l'occasion et on y avait croisé celui pour qui il fut longtemps guitariste (l'est-il toujours ?) et qui sans doute est à l'origine d'un certain scepticisme quant au travail personnel de Belin de la part de toute une frange d'intégristes indie qui lui en veulent encore.
De Belin, je préfère garder en mémoire ses concerts aux côtés de Fantazio ou bien ses albums solo dont Hypernuit est la dernière oeuvre en date et qui affirme un peu plus que la chanson française peut s'élever haut et aller loin, tout comme l'ont affirmé et l'affirment encore les Bashung, Murat, Dominique A, Holden et quelques autres.
Une chanson poétique, loin des histoires tellement plates et ordinaires dont on a soupées.
Du coup, ce n'est pas forcément facile de rentrer dans le monde de Belin. Une musique lancinante, pleine de lenteurs et de non-dits rappelant par moment Calexico ("Y en a-t-il ?" et sa batterie très Convertino ou encore "Tout a changé") ou Red House Painters ("Nord de tout").
La musique de Bertrand Belin procède par petites touches, loin des megalo-productions actuelles. Il faut aller chercher les mots sortis parcimonieusement de cette voix profonde, mi-crooner, mi-beau parleur qui réussit à manier aussi bien les mots dits que ceux chantés avec justesse et classe, sans jamais paraître surjoués. Néanmoins, la récompense est là lorsque, le premier pas fait, la musique de Hypernuit commence à nous livrer ses secrets.
On se laissera prendre par cette curieuse vengeance de "celui qui buvait le lait à même le pis", par la ballade un rien jazzy de "Ta peau", ou par l'étrange personnage de "Vertige horizontal", ballade douce-amère parfaite pour attaquer l'hiver, tout comme ce superbe duo masculin / féminin sur "La chaleur" avec Ann Guillaume. On pourrait en dire long sur chaque chanson de ce disque tant elles nous entraînent chacune dans un univers singulier et onirique.
Hypernuit est un disque que l'on aurait tort de prendre comme un disque prétentieux de simple variété. Il faut au contraire y chercher douceur et poésie, simplicité et vague à l'âme auquel on a envie de se laisser aller à l'écoute, répétée, de ces 11 belles chansons, certes françaises mais avant tout faites d'un bois de guitare comme on en fait peu, dans une langue simplement mais joliment maniée.
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