Montage de textes de Georges Feydeau, mise en scène de Richard Brunel, avec Yves Barbaut, Chantal Deruaz, Aurélié Edeline, Vincent Garanger, Felix Kysyl, Anthony Poupard et Pauline Sales.
Dans un décor pentagonal mobile d'un blanc clinique conçu par Marc Lainé, où tout repose sur des roulettes, Pauline Sales et Robert Brunuel se livrent à une autopsie en règle de l'obsession majeure de Georges Feydeau, celle de la gente féminine, de la mère adulée à l'épouse exécrée.
Reprenant une réplique écrite par Feydeau qui résume cette obsession qui parcourt et nourrit son oeuvre, "J'ai la femme dans le sang" aborde, sous forme d'un montage de textes dont un large extrait de trois pièces en un acte du cycle des Farces conjugales monté dans une suite chronologique, tant l'intimité dans ce qu'elle a de plus prosaïque que la sempiternelle lutte des sexes dans le couple bourgeois.
En l'espèce, Pauline Sales et Robert Brunuel donnent une démonstration éclatante de la sublimation du drame en vaudeville opérée par la plume burlesque, et néanmoins jubilatoire, de Feydeau dans ces comédies de moeurs domestiques nées d'une vision apocalyptique du couple, fruit de son expérience personnelle, dont il dissèque la violence qui se cristallise sur l'enfant, en faisant du futur nouveau-né de "Léonie est en avance" le petit garçon constipé et rebelle de "On purge bébé" qui deviendra le mari de l'impudique Clarisse de "Mais n'te promène donc pas toute nue".
En effet, quand l'enfant paraît, l'état de mère sert de révélateur à la véritable nature de la femme, celle d'une harpie virulente et mesquine qui n'a de cesse d'avoir le dernier mot et sans le moindre égard pour son conjoint soufre-douleur qu'elle prend un malin plaisir à humilier et à ridiculiser pour affirmer sa toute-puissance de Pénate.
La mise en scène avec changements de décor à vue de Richard Brunel est vive et la direction d'acteurs parfaite. L'interprétation est à l'avenant.
Anthony Poupard est le fil rouge-factotum de Feydeau qui devient un Ventroux hystérique devant sa femme en tenue légère à laquelle Aurélié Edeline donne une savoureuse coloration d'exhibitionnisme érotique face à un fils lymphatique joué par Félix Kyzyl. Yves Barbaut est délicieux en beau-père qui prend la tangeante, en fonctionnaire aux intestins relâchés et en industriel salace.
Vincent Garanger est excellent dans les rôles de Toudoux et Follavoine, les pères laminés par le rouleau compresseur féminin face à Pauline Sales particulièrement "saignante" en femme enceinte exécrable dont le ventre sert d'étendard, soutenue par une mère qui lui a donné le bon exemple (Chantal Deruaz épatante), et en mère tyrannique arc-boutée sur les rythmes défécatoires de son rejeton-roi.
Cette proposition originale conçue à quatre mains servie par une interprétation de qualité est donc tout à fait réussie et fait souffler un vent d'air frais sur l'univers d'un auteur trop souvent mis à l'affiche dans un approche réductrice. |