Comédie de Molière, mise en scène de Jean-Denis Monory, avec
Bastien Ossart, Virginie Dupressoir, Anne-Louise de Ségogne, Céline Barbarin, Julien Cigagna, Camille Metzger, Laurent Charoy, Malo de la Tullaye, Clotilde Daniault, Alexandre Palma Salas et les musiciens Manuel de Grange (ou Damien Pouvreau) et Louis-Joseph Fournier (ou Olivier Clémence).
En 2007 la Fabrique à Théâtre dirigée par Jean-Denis Monory avait investi la fabuleuse salle du Théâtre du Ranelagh pour son premier Festival Eclats Baroques en la capitale avec un florilège de spectacles, du conte à la poésie érotique, représentés dans leur "jus". Ce jus est celui du théâtre baroque pratiqué au 17ème siècle restituant le jeu d'origine avec sa déclamation frontale en vieux français accompagné d'une gestuelle codifiée sur une scène éclairée uniquement par des bougies, qui entraîne une immersion d'autant plus fascinante qu'elle est paradoxale puisque du jeu très formel reposant sur une mode communicant inhabituel et quasiment anti-naturel naît une vraie émotion.
Si le jeu baroque démontrait sa pertinence, et son efficacité, pour le drame et pour la farce, ainsi en était-il pour "Andromaque" et "Le médecin malgré lui", restait à l'éprouver à la comédie de moeurs.
Voici qui est fait en 2010 avec "Les femmes savantes" de Molière qui embrasent la grande salle en pierre du Théâtre de l'Epée de Bois et ouvrent la nouvelle édition de ces Eclats baroques qui ont pris leurs quartiers d'hiver pour un mois à la Cartoucherie de Vincennes.
Dans un subtil décor de panneaux peints agencés en quinconce pour ménager les ouvertures,
dû Charlotte Smoos et Katia Siebert pou les peintures en trompe l’oeil, tout s'anime à la manière d'un pop-up. Les personnages savoureux de cette tragi-comédie familiale divisée par la vogue de l'intellectualisme prennent vie à la lumière de la comédie italienne sous la baguette experte de Jean-Denis Monory.
La mise en scène d'une rigueur imparable ne nuit pas, et loin s'en faut, à la restitution de la puissance comique du texte et des situations de confrontation musclée en paroles avant l'ultime bataille rangée, réglée comme un quadrille, le tout dispensé par comédiens passionnés et virtuoses, rompus à cet exercice, cet art exigeant.
Le jeu vif de Bastien Ossart, dans le rôle du père barbon pleutre aux fesses entre deux chaises, bat la mesure dans cette maisonnée bourgeoisie saisie par la folie des grandeurs et "fashion victim" de la préciosité et du scientisme. Virginie Dupressoir campe avec une autorité naturelle l'épouse qui porte le pantalon aussi corsetée au sens propre qu'au sens figuré dans sa lubie et dont l'une des filles, et pas celle que l'on croit (Anne-Louise de Segogne très juste dans le rôle d'Armande), montre déjà ses tendances de futur tyran domestique.
Céline Barbarin est particulièrement plus émouvante que ridicule dans le rôle de la soeur précieuse par sot mimétisme et de victime annoncée tout comme Camille Metzger, la tante atteinte de folie douce.
Laurent Charoy, le jeune amoureux, Clotilde Daniault, pétulante servante, Malo de La Tullaye, pitoyable Trissotin, Julien Cigana, sobre oncle doué de raison et Alexandre Palma Salas complètent cette éblouissante distribution au jeu choral.
Scandé par des intermèdes interprétés par des musiciens avec des instruments anciens, de la belle ouvrage donc qui ne ressortit pas uniquement au cabinet de curiosités. |