C’est un scandale judiciaire que nous décrit Maurice Lemoine dans Cinq cubains à Miami. Il faut bien dire qu’il est écrivain, journaliste, spécialiste de l’Amérique Latine, alors il n’y a personne de mieux placé que lui pour nous parler de ces cinq cubains emprisonnés et condamnés à tort par le FBI.
Il s’agit de Gerardo Hernández, Ramon Labanino, René et Fernando Gonzalez et Antonio Guerrero, actuellement emprisonnés quelque part au pays de l’American dream.
Le livre commence en 1961, après le débarquement de la CIA dans la Baie des Cochons, histoire de renverser la révolution de Fidel Castro, un échec. Les américains n’ont pas l’habitude de perdre, ils mettent donc en place l’opération Mangouste, destinée à renverser Fidel Castro. Pour cela, ils forment des cubains à la contre guérilla dans des académies d’opérations spéciales américaines.
Le conflit, étendu à l’Amérique latine (Bolivie, Nicaragua…) est financé par la CIA, mais aussi par le trafic de drogue, permettant notamment l’achat d’armes fournies aux contre-révolutionnaires. Les réseaux anticastristes poursuivent les infiltrations, les attaques, les attentats et sabotages contre Cuba, faisant près de 3400 morts (l’équivalent du nombre des victimes américaines du 11 septembre 2001).
Au début des années 1990, les relations entre Cuba et les Etats-Unis s’améliorent, Fidel Castro et Clinton entrent en contact par l’intermédiaire de hauts responsables du FBI. Les noms de Cinq gusanos filtrent, et le nouveau responsable zélé du FBI s’empresse d’allumer un contre-feu et d’arrêter cinq cubains anticastristes résidents à Miami.
Le problème, c’est qu’ils n’ont pas grand-chose de concret contre eux. Des journalistes sont donc payés pour créer une atmosphère préjudiciable aux accusés, "les Cinq" sont transférés dans les cellules de châtiment du Centre de détention fédéral de Miami. Et le procès s’enlise.
Et puis la solution pour que les présumés deviennent coupables est trouvée dans "l’instrument préféré de l’arsenal du procureur" : les accuser de conspiration, "accord illégal établi entre deux personnes pour commettre un délit. Point n’est besoin que le délit soit commis". Et le tour est joué.
En 2001, un appel est présenté par le gouvernement devant une cour supérieure, reconnaissant qu’il a échoué à prouver les charges principales de conspiration d’espionnage. Mais cela ne suffit pas, "les Cinq" sont condamnés à des peines allant de 10 ans à perpétuité d’emprisonnement.
Finalement, le roman, en forme de polar, très sombre, très complet, très détaillé, montre l’hypocrisie de la lutte contre le terrorisme, et met à jour l’implacable politique d’agression des Etats-Unis contre Cuba, devenu "cet espèce d’Union soviétique tropicale figée derrière un mur où tout le monde est armé, fliqué, avec des tanks dans les rues et toutes ces saloperies". |