Monologue dramatique écrit et interprété par Nigel Hollidge dans une mise en scène de Véronique Ros de la Grange.
William Kemp était le clown le plus connu de l'époque élisabéthaine. Invité dans les différentes cours royales d'Europe, il jouait aussi dans les tavernes ou sur les places de village. Il devait sa notoriété essentiellement à la fameuse gigue avec laquelle il terminait ses spectacles, une danse accompagnée d'une chanson aux paroles grivoises.
C'est à l'issue d'un de ses spectacles qu'il rencontre le jeune William Shakespeare, "l'autre William". A cette époque, les spectacles commencent à prendre place dans de véritables théâtres, des lieux dédiés à la représentation théâtrale. Les deux William s'associent avec deux autres acteurs connus de l'époque, pour monter leur propre théâtre à Londres.
A la fin des pièces de Shakespeare, Kemp danse sa gigue. Shakespeare le laisse improviser des parties entières du texte, et s'inspire des récits de Kemp en visite à la cour royale du Danemark pour écrire "Hamlet". Malgré le succès de la troupe, des pièces de Shakespeare et la fréquentation toujours croissante de leur théâtre, Kemp préférera retourner vivre sa vie de bohème sur les routes, et son nom tombera dans les oubliettes de l'histoire.
C'est pour essayer de trouver une explication aux différends qui ont amené ce fameux clown à mettre fin à sa collaboration avec Shakespeare que Nigel Hollidge enfile les habits de Kemp. Il les enfile d'ailleurs au sens figuré comme au sens propre, revêtant par exemple une robe puisqu'à cette époque les rôles de femmes étaient interprétés par des hommes. Mais il s'inspire aussi du théâtre elizabethain, puisqu'il interpelle le public, chante, danse, déclame des vers de Shakespeare ou improvise. Nigel Hollidge est dynamique, drôle, à l'aise dans ce rôle. Il mélange le français et l'anglais dans une langue qui vit.
Il intègre à son texte, écrit avec Paul Oertel et Nancy Spanier, des éléments historiques qui emmènent dans cette époque du Londres de 1600, et qui à la fois rappelle que le théâtre est un spectacle vivant à tous les sens du terme. C'est à dire qu'il y a des acteurs mais aussi que le théâtre est fait par des hommes, avec leur caractère, leurs mesquineries, ou encore que le théâtre, au fil du temps, évolue dans sa forme.
Ce qui aujourd'hui va sembler une audace de mise en scène, comme jouer sur une scène ronde à la même hauteur que le public, pouvait très bien être la norme hier. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les formes que prendra la représentation théâtrale demain. D'ailleurs la mise en scène de Véronique Ros de la Grange va dans ce sens puisqu'on constate que Nigel Hollidge est très libre sur scène, et que cette pièce peut se jouer dans des espaces aménagés de manières très différentes.
"Moi... et Shakespeare" est donc une amusante leçon d'histoire en plus d'une réflexion intelligente sur la représentation théâtrale. |