Ce qui avait surpris lorsque Tim Robbins avait réalisé son film Bob Roberts, ce n'était malheureusement pas la qualité du scénario, mais plutôt qu'il avait écrit et qu'il interprétait lui-même toutes les chansons. Dans ce film, Bob Roberts, un candidat républicain archi-réactionnaire, entre dans la course à l'investiture de son parti en allant interpréter de la country blue-grass devant des parterres de rednecks ("The Times They Are A Changin' Are Back").
Il faut dire que Tim Robbins est issu d'une famille de musiciens. Ses parents s'étaient rencontrés à l'UCLA Marching Band, et son père était membre d'un groupe appelé les Highwaymen. Son frère David, compositeur, et lui avaient même jadis formé un groupe punk. On savait aussi Tim Robbins fan de musique à travers son rôle dans High Fidelity, adapté au cinéma par John Cusack d'après le livre de Nick Hornby.
Enregistré à Londres, sous la direction de Hal Willner, vieux complice de Robert Altman pour les musiques, Tim Robbins & the Rogues Gallery Band regroupe les musiciens du projet de Willner, le Rogues Gallery, qui reprend des chansons de pirates, et auquel Tim Robbins a collaboré, mais aussi Anthony, Brian Ferry, Nick Cave, Loudon Wainwright (le père de Rufus), Shane McGowan ou encore Marianne Faithfull.
C'est alors que, sur différents plans, les choses allaient mal, son divorce avec Susan Sarandon, un projet de film avorté faute de financements, que Tim Robbins a envoyé une maquette à Willner pour lui demander son avis sur les chansons qu'il avait écrites. Willner les a trouvé intéressantes et lui a alors proposé de les produire. On appelle le style musical de cet album de l'americana gipsy.
Alors j'entends déjà les cris d'orfraie de certains. Non, ce n'est pas de la musique de marins. Non, ça ne ressemble pas aux Gipsy Kings. Ce disque est à ranger dans le catégorie folk, le folk des déracinés qui parcourent le territoire américain. Tim Robbins, en tant qu'acteur et réalisateur, explique que le temps du tournage d'un film, il se sent comme au sein d'une famille recomposée autour d'un projet. Puis, lorsque le film se termine, cette famille se sépare. Ensuite, ailleurs, autour d'un autre projet, c'est une autre famille qui se crée à nouveau. Lui-même se considère comme un de ces gypsies.
En écoutant ce disque, c'est d'abord à Springteen qu'on pense, un recueil de petites histoires et avec parfois un côté populo à l'américaine (Workers, workeuses! On vous ment. On vous spolie). "Toledo Girl" sonne comme un hommage au Boss. Sur "Queen of dreams", on pense aux Pogues. On se souvient même avoir aimé Mike Scott et ses Waterboys en écoutant "You're my dare". Quant à "Lightning Calls", elle clôt l'album avec des trompettes qu'on aurait bien entendu chez Calexico.
Mais le disque de Tim Robbins est bien éduqué, trop bien éduqué. Et même si la voix n'est pas toujours à la hauteur, les chansons en sont agréables, faciles à apprécier. Cependant, ce premier essai dans l'univers de la musique pour le grand Tim manque d'aspérités et de cicatrices pour qu'on en tombe véritablement amoureux. |