Les années 1945-1975, désormais entrées dans l'Histoire sous le vocable des Trente Glorieuses, sont marquées, de la reconstruction dynamique de l'après seconde guerre mondiale au premier choc pétrolier, par trois décennies de croissance heureuse.

Pour illustrer cette période qui, en termes d'arts décoratifs, a été placée sous le signe de l'explosion du design, le Musée des Arts Décoratifs propose une exposition pétulante au titre en clin d'oeil "Mobi Boom".

Conçue sous le commissariat conjoint de Béatrice Salmon, directrice des musées des Arts Décoratifs, et Dominique Forest, conservatrice département Moderne et Contemporain au musée des Arts décoratifs, en partenariat avec le Centre d’Expérimentation et de Recherche sur le Mobilier Actuel, elle propose une approche typologique croisée qui implique soit un minimum de connaissances préalables soit une belle capacité d'analyse in situ.

En effet, elle est axée sur une typologie croisée en regroupant les créations majeures de cette période par nature de mobilier (le siège, le rangement, le bureau, le luminaire) qui sont présentés pêle-mêle dans la grande nef, les salles latérales étant consacrées aux productions des grandes enseignes de l'époque.

L'impression d'ensemble qui se dégage de la création de cette période tient en trois axiomes : le goût pour la couleur, la variété et la richesse formelle et une incontestable modernité non démentie encore aujourd'hui.

"Mobi Boom" : la révolution du design

Comme le synthétise fort justement Anne-Marie Fèvre dans son article paru dans Libération, l’exposition "Mobi Boom" relate une "saga industrielle et sociale du meuble libéré".

En effet, ces trois décennies, qui se caractérisent par une prospérité démographique, économique et culturelle sans précédent, font entrer résolument la France dans l'ère moderne avec ses corollaires que sont l'avènement de la société de consommation et la civilisation du loisir.

Le dynamisme économique sectoriel, surtout de l'industrie pétrolière, va grandement influer sur le foisonnement créatif et sur la démocratisation de la production, qui fait suite aux besoins de la reconstruction d'après guerre puis aux besoins d'équipements collectifs engendrés par le "baby boom", grâce à la fabrication en série.

Celle-ci est relayée par une distribution dynamique d'abord par des éditeurs d’avant garde de Steiner à Roset en passant par Roche Bobois, Airborne et Knoll, puis par les grands magasins dont le pionnier et leader sera Prisunic qui fédère les créateurs audacieux dont Terence Conran, Olivier Mourgue, Gae Aulenti et Marc Held.

Le développement industriel apporte son lot de nouveaux matériaux dont s'emparent les créateurs.

Tels le formica ("Le Meuble Bar Télévision" de Jacqueline Philippon Lecoq), le contreplaqué moulé (siège "Payrus" et "Tonneau" de Pierre Guariche), la mousse injectée dans le tissu (la série "Djinn d'Olivier Mourgue), le carton ondulé (Claude Courtecuisse), le plastique (la collection "Ozoo" de Marc Berthier, le tabouret "Tam Tam" de Henry Massonet et la chauffeuse gonflable "Apollo" de Quasar).

Ce qui entraîne un renouvellement de l'esthétique du quotidien urbain.

Fonctionnalisme et rigueur riment avec minimalisme et austérité dans les années 50 avec comme figures de proue Charlotte Perriand avec sa "Cuisine-bar pour l’Unité d’habitation de Marseille), Marcel Gascoin et Jean Prouvé. La ligne droite et le style épuré priment pour satisfaire aux deux impératifs du nouveau mode de vie urbain : le rangement et le modulable. naît, avec les Eléments Minvielle, le meuble en kit.

Les années 60 voient l'émergence du règne de la courbe, synonyme de confort et d'ergonomie, et du meuble multifonction et transformable (le fauteuil "Bulle de Christian Daninos, le salon à géométrie variable "Dromadaire" de Hanz Hopfer pour Roche-Bobois et la chauffeuse "Tongue" de Pierre Paulin).

Les années 70 sont résolument pop et hautes en couleurs joyeuses à l'instar de la collection des meubles Prisunic placés sous la bannière "Plastique-Love" et en expérimentations éphémères.

Car déjà se profile le premier choc pétrolier.