Après New York et Bâle et avant Londres, Paris a la chance d'accueillir la rétrospective de l'artiste plasticien étiqueté "postminimaliste" d'origine mexicaine Gabriel Orozco.
Artiste essentiellement polyvalent et pluridisciplinaire, cultivant la posture de l'artiste nomade et pratiquant l'atelier à ciel ouvert au gré de ses pérégrinations, il a investi la Galerie Sud du Centre Pompidou et assuré personnellement la scénographie de l'exposition
sur le principe de l'atelier, récusant les codes muséographiques.
Le plus célèbre des mexicains vu par lui-même
Accrochées au mur, posées simplement au sol ou sur des tréteaux qui évoquent les vide-greniers, les oeuvres s'appréhendent à la manière d'un inventaire à la Prévert, qui répond néanmoins à une logique interne dont les codes ne sont pas intuitifs, et que l'artiste présente sous le terme générique de "Working tables" comme des installations éphémères d'accumulations d'"objets" agissant comme une invitation au voyage.
Une mise en scène comme une autre.
Pour,
comme l'explique la commissaire de l'exposition Christine Macel, conservatrice au Musée national d’art moderne, chef du service Création contemporaine et prospective, évoquer "la simplicité proche du moment de leur création, avant leur incorporation dans l’appareil muséal".
Il reste au visiteur à trouver l'éventuel fil rouge entre
une boîte à chaussures vide ("Empty Shoe Box"), une collection d'insectes ("French Flies"), une belle vanité avec le crâne sur lequel est dessiné un échiquier ("Black Kites") que doit envier Damien Hirst et un jeu d’échecs dont toutes les pièces sont identiques, en l'occurrence des cavaliers ("Horses Running Endlessly").
Séduite par "l'aura charnelle" de l'oeuvre de Gabriel Orozco, Christine Macel en donne la clé de déchiffrage : "Orozco propose un regard empreint de matérialisme et une conscience du flux du vivant, du perpetuum mobile héraclitéen".
L'artiste affectionne également la customisation absurde d'objets dont certains ne sont pas sans évoquer, en 3D, les objets introuvables inventés par l'illustrateur français Jacques Carelman.
Ainsi en est-il, par exemple, des vélos hollandais imbriqués ("Four Bicycles - there is always one direction)" et de la fameuse fameuse Citroën DS rétrécie qui a marqué son entrée sur la scène internationale en 1993.
La lecture ou la consultation préalable du conséquent catalogue s'avère néanmoins recommandée avec, entre autres, l'analyse de l'historien d'art Benjamin H. D. Buchloh sur la "mexicanité" souvent mise en avant et réfutée par l'artiste, qui constitue une autre clé de lecture :
"Son oeuvre oscille entre le recours à des pratiques de type primitif ou à des ressources mythiques et l'adoption des formes les plus avancées de la contemporanéité technique. En même temps elle débouche - par les matériaux qu'il utilise, ses morphologies et ses iconographies - sur une spécificité régionaliste presque paradoxale, tout en étant suspendue dans le mouvement perpétuel mondial avec ce qu'il a de transitoire et d'éphémère". |