Laurent Chalumeau continue de creuser, avec un style westlakien à la française, la veine du roman "Noir Riviera", la bêtise étant plus folklorique au soleil, avec "Bonus", un nouvel opus qui sort presque un an jour pour jour après" Un mec sympa", tout en proposant une novation même si cela commence de la même façon par une petite frappe qui sort de prison.
En effet, il substitue au récit par le personnage principal entropique, de préférence un anti-héros looser, la technique de concaténation lelouchienne - pour un roman au demeurant scénaristique - relatant le destin inexorablement et inéluctablement croisé de plusieurs personnages vers un unique point de convergence.
Lequel ? Cherchez bien ce qui en ces temps difficiles où le diktat néo-libéral, faisant un grand écart circassien de belle envergure, jongle de la rigueur au jackpot. Oui, le pognon, les pépètes, le fric, la maille, le genhar, la suite dans le dico d'argot.
La distribution ? Un ancien prof à la piètre retraite, maqué avec une rombière pleine aux as, qui rêve de faire un coup d'éclat citoyen envisage de faire évader des sans-papiers d'un centre de détention en faisant sauter un mur avec un explosif obtenu auprès d'un cordiste dont l'épouse, une esthéticienne qui chante dans des GDM (entendez "galas de merde") en se prenant pour la future Nouvelle Star, a pour frère un minable tout juste ex-taulard qui envisage d'enlever un gros pourri de capitaliste véreux amis des banquiers liechstensteinois et mis en accusation, qui de plus a été le PDG d'une chaine de supermarchés dans laquelle leur mère caissière a laissé sa santé, qui se trouve être défendu par l'avocat auprès duquel sa fille est stagiaire laquelle, gavée de jouer les porte-serviettes, s'acoquine avec le policier black chargé de la protection rapprochée de la juge d'instruction chargée cette affaire dont le mari est l'amant de la colocataire de la fille du prof.
Voilà qui a le mérite d'être concis. Ce n'est pas clair ? Recommençons... non c'est une boutade. Mieux vaut s'attaquer à la lecture par soi-même de ce roman dont l'intrigue de départ, le rackett d'un homme riche de millions illégitimes et frauduleux dans un but redistributif, évoque celle de l'excellent roman de Nicolas Ancion "L'homme qui valait 35 milliards".
Comme à son habitude, l'auteur livre une jolie satire sociale servie par un sens aigu des dialogues. Tout s'emberlificote à souhait puis le polar s'étiole un peu au moment de ce qui pourrait être le dénouement pressenti par le lecteur. Mais bon faiseur, il reprend les rênes in extremis par une volte-face totalement inattendue, certes un poil tirée par les cheveux, mais jubilatoire. |