Réalisé
par Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli. France. Animation.
Durée : 1h10. (Sortie 15 décembre 2010).
100 % ! C’est le taux de réussite parfaite du studio d’animation "Folimage" situé en plein cœur de la Drôme.
Après "La Prophétie des Grenouilles" et "Mia et le Migou", tous deux chefs-d'oeuvre de Jacques-Rémy Girerd, voilà, avec "Une vie de chat" de Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol, la troisième réalisation gagnante de Folimage.
Évidemment, il ne va pas être facile d’éviter d’entonner le refrain attendu sur le "petit dessin animé français" qui résiste à l’invasion hebdomadaire des produits 3D standardisés, qui ne se donnent même plus la peine de trouver de nouveaux titres mais se contentent de se numéroter. Mais on est bien tenté de prendre un pari : il n’y aura pas "Une vie de chat" n°2,3,4,5, Felicioli et Gagnol laissent ça à leurs confrères qui fabriquent la routine animée avec "Shrek" ou "L’Age de glace".
"Une vie de chat", c’est le contraire de tout ce que tout le monde croit aimer ailleurs : pas de second degré pour que les adultes viennent sans leurs enfants, pas d’histoires lénifiantes où le héros rebelle finit toujours par rejoindre le troupeau des bestioles dégoulinantes de bien-pensance, pas de séquences construites sur le même principe que celles des jeux vidéos et préfigurant le jeu vidéo du film déjà en vente, pas non plus de personnages qui font craquer les enfants et qui seront déclinés en peluches, en statuettes et en draps de bains.
Ici, pas de merchandising en vue, sauf un bel album où l’on retrouvera avec plaisir les dessins non animés, où l’on pourra apprécier la subtilité des partis-pris, la richesse des couleurs et la qualité des décors dans lesquels évoluent le chat et son voleur d’ami.
Mais, animées, les images d'une vie de chat sont aussi délectables. Quand les personnages courent sur les toits, le rendu est d’une très grande fluidité. Chacun se meut avec aisance en traversant des décors extrêmement soignés et jamais traités à la va-vite, comme on peut le voir dans des "blockbusters" animés.
La marque imprimée au Studio Folimage par son âme, Jacques-Rémy Girerd, est au contraire de soigner chaque détail, sans tomber dans le maniérisme, ni chercher - une des tares historiques de l’animation "à la française" - à faire poétique.
"Une vie de chat" a de la modestie sans avoir des moyens modestes : inutile d’épater le spectateur par l’animation. Elle est de grande qualité mais cherche surtout à ne pas se faire voir. Du coup, tout est pour l’histoire. Une histoire qui, à l’inverse de biens des produits déjà décriés plus haut, ne fonctionne pas sur la redondance, n’empile pas les morceaux de bravoure et peaufine les situations, le rythme, le suspens. La lutte finale entre le bon voleur et le méchant assassin au milieu des gargouilles de Notre-Dame arrive à entremêler Hitchcock et King Kong, ce qui est déjà bon signe !
Pour revenir sur Victor Costa, le méchant, il est à la fois décrit comme l’assassin du père de Zoé, et comme quelqu’un en quête d’un fétiche, souvenir perdu de son enfance... Aucun manichéisme donc et des sacrées audaces : Jeanne, la maman de Zoé, est commissaire de police et s’occupe si mal de sa fille qu’elle la laisse aux mains de Claudine, la maîtresse de Costa. La policière qui finira d’ailleurs par faire les yeux doux au beau voleur...
Tout à l’heure, étaient fustigés les films d’animation qui cherchaient à mettre dans leurs poches les spectateurs adultes aux séances où les enfants doivent être couchés. “Une vie de chat” peut lui aussi être vu sans chères petites têtes blondes ou brunes. Il faut seulement prévenir les plus de dix-huit ans qu’ils ne s’attendent pas à une démagogie pro-grands avec des gags ou des jeux de mots faits pour eux.
Eh oui ! Il faut y aller avec l’esprit d’enfance, le vrai pas un frelaté par le mauvais esprit de Bart Simpson...
Bonne nouvelle, il faut le répéter : avec Sylvain Chomet ("L’Illusionniste"), Michel Ocelot ("Azur et Aznar"), Jacques-Rémy Girerd ("Mia et le Migou") et les deux nouveaux venus d’"ne vie de chat", l’animation à la française, celle qui n’a pas oublié les leçons de Jean-François Laguionie, est en plein renouveau...
Que vous ayez des enfants ou pas, que vous aimiez les chats ou non, que vous détestiez autant le précédent Pixar que le prochain Disney ou vice versa, le chat Dino espère vos caresses et en ronronne d’avance. Sa "vie de chat" sera sûrement la vôtre ! |