Comédie dramatique adaptée du film éponyme de Santiago Carlos Ovès par Jordi Galceran, mise en scène de Didier Bezace, Laurent Caillon et Dyssai Loubetière, avec Didier Bezace et Isabelle Sadoyan.
Une mère, un fils. Elle, à l'hiver de sa vie, dans la sérénité du temps qui ne compte déjà plus même si elle est extraordinairement vivante. Lui, à l'automne de la sienne, dans une maturité douloureuse, en plein désarroi, alors que tout ce qui faisait une belle réussie apparente se délite.
Pour elle, mère aimante, il sera toujours son enfant. Lui, bateau qui avait pris le large sans vraiment jeter un regard en arrière, revient au port. Le refuge, de drolatiques conversations, une embellie et un ultime cri d'amour.
"Conversations avec ma mère", c'est le théâtre de la vie, de l'intime et de l'amour avec, en l'occurrence, l'ineffable couleur, symbiose singulière et unique du rire et de l'émotion, de l'âme argentine sublimée par Santiago Carlos Ovès, le réalisateur du film éponyme, dont Jordi Galceran, le dramaturge catalan a signé cette époustouflante adaptation théâtrale.
Didier Bezace est parfait dans ce corps d'homme empêtré dans un inattendu revirement de situation matérielle qui abat les certitudes en opérant une tabula rasa dévastatrice, et en fils fragile chahuté par une mauvaise conscience à retardement face à une mère réduite au statut de locataire embarrassante.
Et puis, la mère, la magnifique Isabelle Sadoyan dont la figure, ce beau visage lissé par les ans, et la présence irradient le plateau plongé la pénombre, grande comédienne qui, comme elle personnifiait la pimpante mère tyrannique et intéressée en bouillonnante robe à la Fragonard dans "Les fausses confidences", joué l'an passé dans ce même lieu, incarne ici, le corps lourd en méchante petite robe élimée et chaussons, une belle personne, au sens du 17ème siècle, et l'indéfectible amour maternel.
Tout le jeu stupéfiant des comédiens réside dans la maîtrise des nuances et du rendu de l'émotion sans miser, et se perdre, ni sur la sentimentalité ni sur le sentimentalisme. Ce n'est qu'après le tomber du rideau que l'émotion submerge le spectateur qui a emporté avec lui cette bouleversante histoire d'amour. |