Quand l'âge entre dans la saison de l'hiver, la conduite de la vie, à défaut de pouvoir raisonnablement se projeter dans le futur, ne se mène plus droit devant, tous phares éteints, en fonçant vers la ligne d'horizon mais en regardant dans le rétroviseur.
L'évocation du passé s'impose, acquiert des vertus sinon thérapeutiques du moins analgésiques et permet également de gloser sur les novations du présent avec la "sagesse" de ceux qui ont vécu. Peu d'écrivains, s'ils n'ont pas déjà cédé aux sirènes nombrilistes de l'autobiographie ou plus grandiloquemment des mémoires, échappent à la tentation de coucher leur vie sur le papier.
Tel est le cas et le propos de "Prête-moi ta vie pour t'écrire de là-haut" dans lequel Françoise Dorin, après avoir évoquée le style et le talent de son père René Dorin surnommé en son temps, c'est-à-dire dans les années 50-60, le "prince des chansonniers" - et les siens propres - dans "Dorin, René ; Dorin, Françoise. - Dorin père et fille" publié en 1999, submergée d'une touchante tendresse et d'une honorable admiration filiale pour la figure tutélaire de son père, raconte la vie de son père.
Faiseuse littéraire aguerrie, Françoise Dorin use de l'artifice de style, qui a néanmoins fait long feu, de la conversation avec les esprits. Elle prend, en l'espèce, la tournure de visites nocturnes, bienveillantes et bavardes de son père qui constituent le prétexte (à moins que la dame pratique réellement la communication avec les morts) et le prologue de ses narrations mnésiques.
Cette biographie subjective de son père revêt également, par voie de conséquence logique, une autobiographie ponctuelle et partielle et l'occasion, par ricochet, de digressions sur des thématiques telles l'âge, le monde moderne, les femmes et les femmes, qui sont désormais récurrentes sous la plume de l'écrivain octogénaire et dresse un panorama sélectif du monde du spectacles de la première moitié du 20ème siècle avec les musiciens de cinéma, les chansonniers montmartrois, les opérettes et revues.
Ce vraisemblable premier tome, puisque le tiers du livre relatant les années 1914-1918 s'achève au début des années 50, est à lire pour ce qu'il est un bel hommage de piété filiale. |