"Pise 1951" de Dominique Fernandez saisit avec une acuité nostalgique la courte période où l'Italie, sortie exsangue de la seconde guerre mondiale, est déjà bouillonnante au niveau tant culturel, qu'artistique et politique.
Cette période, que l'auteur connaît pour l'avoir vécue dans son pays de prédilection, est celle qui précède le miracle économique qui, sortant le pays de la misère, lui rendra la vie plus douce, cette dolce vita que les cinéastes, du néo-réalisme à l'existentialisme joyeux, immortaliseront sur pellicule.
Il dresse une chronique de cette Italie disparue, avec ses premières Vespa, les dimanches à la plage et les filles qui se promenaient en se tenant la main loin de toute mixité - fréquenter une maison où il y avait une jeune fille nubile était considéré comme une demande en mariage - qui deviendront, quelques années plus tard, conjuguées à la romaine, des images emblématiques sous l'objectif de William Klein.
Elle sert également de toile de fond à un roman de facture classique, qui ressortit à la déclinaison moderne de la pratique du voyage en Italie du 18ème siècle et de l'éducation sentimentale, d'une écriture érudite et limpide qui sait transcrire tant les pudeurs de l'âme que, selon sa définition de la litétrature, "faire vivre des hommes et des femmes jetés sur les routes du monde". Les deux protagonistes principaux sont deux jeunes hommes de tempérament et de milieux très différents, un fils de garagiste à l'instinct grégaire, et un fils introverti de professeur à la Sorbonne, devenus amis au lycée, qui partent de concert pour l'Italie, le premier pour son mémoire de fin d'études de journalisme, le second, après une agrégation d'italien, pour un an de résidence à l'équivalent pisan de l'Ecole normale supérieure.
Un voyage d'apprentissage pour sceller une belle amitié et pressentir ses choix de vie, se découvrir, s'éprendre, chacun à sa façon, d'un pays aussi attachant qu'il jouit d'une mauvaise réputation et d'une même jeune fille presque atemporelle qui vit dans une fastueuse villa délabrée, et former un singulier trio qui n'est pas sans évoquer, par le sens du tragique, celui du roman de Henri-Pierre Roché, "Jules et Jim" porté à l'écran par François Truffaut.
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