Spectacle conçu et mis en scène par Jean-Pierre Rumeau d'après l'oeuvre éponyme de Diderot, avec Nicolas Vaude, Gabriel Le Doze et Olivier Baumont au clavecin.
Impossible, et le contraire serait regrettable, de rater l'intelligente et réussie adaptation théâtrale de "Le Neveu de Rameau" conçue et mise en scène par Jean-Pierre Rumeau, qui reprend de nouveau ses quartiers au Théâtre du Ranelagh dont les boiseries constituent à elles seules le décor approprié aux controverses philosophiques enflammées écrites au 18ème siècle par Diderot.
Quelques chaises, un fauteuil, un échiquier, voici le Café de la Régence dans lequel Diderot situe cette conversation de café qui se révèle à la fois comme une satire de moeurs de son temps, dont la résonance contemporaine est à bien des égards établie, et une joute oratoire par laquelle il ambitionne, au terme d'un dédoublement de personnalité, à la fois philosophe moraliste et bouffon, et selon une maïeutique thèse-antithèse-synthèse, d'accéder à une plus grande clairvoyance sur les valeurs essentielles qui doivent guider l'homme sociétal..
En lice, deux personnages, le philosophe patenté et le bouffon, le moraliste et l'anticonformiste, chacun philosophe à sa manière, et sur scène, non pas deux mais trois protagonistes car de bienvenus intermèdes musicaux, compte tenu de la densité du texte, sont dispensés par le claveciniste virtuose Olivier Baumont qui participe, complice, à l'assaut verbal et y met presque son grain de sel pour exciter la rage du premier ou pour tempérer l'ardeur du second.
Des répliques fameuses, de "Mes idées ce sont mes catins" à "Rira bien qui rira le dernier, Monsieur le Philosophe", la partition est brillante et l'interprétation, dans une mise en scène nerveuse qui use de tous les ressources du lieu pour, comme l'indique Jean-Pierre Rumeau dans sa note d'intention "habiller les idées abstraites d’un corps, de sueur, d’énergie débridée et de mouvement", ne souffre d'aucun défaut.
Gabriel Le Doze enfile avec aisance le costume du philosophe établi et idéaliste qui croît aux vertus de la sagesse et de la raisonnement, à l'ironie parfois railleuse. Quant à Nicolas Vaude, il donne du "neveu" une incarnation aussi ébouriffante que troublante, toujours sur le fil du rasoir entre l'insoutenable légèreté de l'être et l'art du saltimbanque. |