Alexandre Jardin est l’auteur de Fanfan, du Zèbre, d’Autobiographie d’un amour, du Petit Sauvage… Des romans d’amour remplis d’enthousiasme, d’excentricités, de sentiments fougueux, de spontanéité, de situations improbables et enivrantes. Lire du Jardin, c’est plonger dans un monde multicolore qui échappe à toute retenue. Alors, évidemment, quand il se décide à écrire un livre sombre, "sérieux", pour dénigrer les membres de sa famille adulée jusqu’alors (cf Le Roman des Jardins), cela jette un froid, crée même un certain malaise dans le milieu littéraire français.
Dans Des gens très bien, Alexandre Jardin n’a qu’une volonté : "purifier son ADN" en dénonçant enfin les agissements de son grand-père paternel pendant la seconde guerre mondiale. Grand-père célèbre dans le monde politique et de la littérature (Jean Jardin ayant tout de même obtenu le prix du roman de l’Académie en 1978).
C’est un très long réquisitoire, souvent véhément, rancunier, forcément dégoûté, que l’auteur propose. 300 pages où il essaie de démontrer que son aïeul ne pouvait que connaître les projets d’extermination massive de Hitler, qu’il savait pour la rafle du Val d’Hiv', que sa fonction de directeur de cabinet de Laval lui donnait évidemment des pouvoirs importants de décision sous le régime de Vichy. 300 pages où Alexandre crie son mal-être d’avoir cet héritage infecte, d’avoir feint de l’ignorer, d’avoir admiré une famille qui surjouait la gaieté pour minimiser son rôle de collaborateur.
Beaucoup de souvenirs, d’entretiens, de lectures s’entassent dans ce roman. Et surtout des larmes de rage, de honte, de lente acceptation de la vérité. De sa vérité peut-on nuancer, car l’auteur ne fournit aucun document officiel pour étayer ses propos… Point faible de ce livre dont se sont d’ailleurs immédiatement emparé de multiples personnalités littéraires ou politiques, depuis sa sortie, pour le dénigrer et attaquer assez violemment l’écrivain.
Ce roman d’Alexandre Jardin ne peut que surprendre par son sujet. On est à l’opposé de sa bibliographie ! Mais l’écriture reste celle qu’on lui connaît : passionnée, dynamique, avec un phrasé qui lui est propre. La nouveauté, malheureuse, c’est cette lourdeur due aux répétitions de ses dégoûts, à cette haine mal contenue contre ce grand-père qui a servi Laval. Et même si on ne peut que comprendre ce besoin de se décharger enfin de ce fardeau, on se demande si 300 pages étaient nécessaires… Ce livre-thérapie était sans doute essentiel pour son auteur mais finit par lasser le lecteur ; un court essai ou un édito aurait peut-être suffi. |