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Agata Tuszynska  (Editions Grasset)  janvier 2011

Plus d'un demi-siècle après la fin de la seconde guerre mondiale et l'holocauste, toute la boue de cette époque noire de l'histoire de l'humanité commence à être remuée pour rapporter des faits parfois soigneusement occultés, poser des questions qui dérangent et peut-être déboulonner des statues.

Ainsi en est-il de "L'accusée - Wiera Gran" ouvrage publié par l'universitaire, journaliste, essayiste, romancière et journaliste, Agata Tuszynska qui se penche sur le destin singulier d'une femme qui a été une chanteuse très connue et admirée quand elle donnait, notamment accompagnée par le pianiste Wladyslaw Szpilman, des récitals au café Sztuka, haut lieu de divertissement situé dans le ghetto de Varsovie alors sous occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale.

Tous deux rescapés du ghetto, ils connaîtront des parcours bien différents. Après la guerre, Wladyslaw Szpilman, considéré comme un apparatchik du régime communiste, dirige la radio nationale polonaise et mène une carrière de compositeur et de pianiste. En 1946, puis en 1998, il publie ses souvenirs sur cette période précise de sa vie, souvenirs dans lesquels il ne mentionne même pas l'existence de Wiera Gran, qui seront transposés au cinéma dans le film triplement oscarisé "Le pianiste" réalisé par Roman Polanski en 2002.

Le succès de ce film rejaillira sur lui au point où ces souvenirs feront autorité en la matière et comme l'écrit Agata Tuszynska : "Wladyslaw Szpilman atteignit là-bas l'honneur de la béatification, devint le symbole de la survie héroïque en temps de guerre".

Rien de tel pour Wien Gran qui sera poursuivie dès la fin de la guerre par le Tribunal populaire du Comité central des juifs de Pologne pour "avoir entretenu des relations amicales avec des personnes étant manifestement des agents de la Gestapo", Wladyslaw Szpilman figurant parmi les témoins à charge et opposant ultérieurement son veto à ce qu'elle travaille à la radio polonaise.

Pourquoi Wiera Gran ? Et pas Diana Blumenfeld qui chantait notoirement pour les nazis ? Pourquoi Wiera Gran traquée notamment par Jonas Turkow, membre de la Résistance dans le ghetto, qui était le mari de Diana Blumenfeld ?

Bien qu'acquittée pour défaut de preuve des faits qui lui sont reprochés, cette accusation ne lèvera jamais la suspicion de collaborationisme qui semble l'avoir suivie, et même précédée, partout où elle allait en l'empêchant de mener normalement tant sa vie que sa carrière qu'elle tente de relancer sous différentes latitudes, d'Israël à Paris en passant par le continent américain, et elle finira sa vie recluse dans la capitale parisienne atteinte d'un délire de persécution.

Voilà le point de départ du travail d'enquête, d'analyse et de réflexion de Agata Tuszynska, dont la mère a survécu au ghetto de Varsovie et tu sa judéïté, qui va au-delà de l'enquête biographique menée sur la vie d'une femme peu ordinaire pour s'inscrire dans un travail beaucoup plus vaste sur la mémoire nationale d'un pays ataviquement antisémite au sein duquel les générations de l'après seconde guerre mondiale n'en ont pas fini d'en découdre avec les mensonges et les zones d'ombre.

Elle précise d'ailleurs le cadre précis de son travail en lui réfutant le caractère de biographie y préférant celui de "document-fiction inspiré de la vie de Wiera Gran" : "Je voulais raconter son histoire pour qu'elle soit mise à l'épreuve par quelqu'un qui - comme moi - n'a pas vécu la guerre, mais qui par le fait d'implications familiales n'est toujours pas "sortie du ghetto" depuis des années. Ce n'est pas une monographie des réussites artistiques de Wiera Gran, ce sont mes rencontres avec elle, des comptes personnels du temps de l'holocauste, qu'il ne m'a pas été donné d'éprouver et qui est invariablement présent dans chacun des choix que je fais dans la vie."

Simultanément se déroule un panorama de la vie artistique de cette époque ainsi qu'un minutieux travail de reconstitution factuelle de la vie du ghetto ("Les Polonais dans leurs villes, les Juifs dans des morceaux de villes derrière des murs tentaient de se confronter au quotidien pour ne pas tomber trop vite dans ses pièges") qui aborde également un sujet douloureux, et presque tabou, celui de la collaboration des Juifs dont certains furent des gestapistes avérés qui ont contribué aux déportations.

Car le ghetto de Varsovie, ville dans une ville occupée où toutes les institutions avaient cessé d'exister, ville préfiguration du camp de déportation où les trottoirs regorgeaient de morts de faim et de maladie, était une ville autogérée par délégation de l'occupant qui possédait une police juive qui a été considérée comme une organisation collaborationniste.

Ce livre qui se situe aux confins des genres, de la biographie à l'enquête en passant par l'essai dans lequel elle aborde de manière philosophique les notions de collaboration et d'héroïsme en temps de guerre, est passionnant d'autant qu'il ne manquera sans doute pas de faire débat.

En premier lieu évidemment, son hypothèse quant à l'origine du contentieux Wiera Gran/Wladyslaw Szpilman qui ressortirait au registre du cadavre dans le placard : "Chacun savait quelque chose sur l'autre, pas très casher dans le contexte d'après-guerre. Il a attaqué le premier de crainte d'être lui-même attaqué. Il a trouvé plus rapidement le moyen de neutraliser un informateur embarrassant, quelqu'un qui sait quelque chose sur vous et qui peut s'en servir".

Mais surtout, en premier lieu, ses analyses, qui reposent sur le postulat que tous ceux qui ont survécu à la période d'occupation par l'ennemi sont, par principe, impliqués, certes à des degrés divers, dans la collaboration.

Ainsi écrit-elle : "Nous sommes tous des collaborateurs. A une plus ou moins grande échelle, sur une journée ou sur toute une vie. Tout ce qui nous différencie, c'est l'expérience et les circonstances, qui permettent d'apprécier jusqu'où vont les limites de nos compromis. L'histoire nous incrit souvent dans un contexte de choix tragiques. Nous collaborons avec le destin, nous nous arrangeons avec lui. Nous sommes capables de justifier presque chacune de nos faiblesses".

"Il y en avait qui exécutaient docilement les ordres de l'occupant. Agissant ainsi pour avoir la paix, faire un bénéfice, sauver leur vie. Parfois, il y avait aussi des doubles sens ; ceux qui travaillaient avec l'ennemi tout en s'efforçant d'agir pour le bien de la société, de faire quelque chose qui pourrait être un bienfait même à une échelle restreinte".

Et sur l'héroïsme : "Dans chaque réalité on trouve des héros, ceux qui donnent leur vie pour les autres... Il y a aussi des gens normaux ordinaires. Le courage est une vertu que l'on ne doit pas exiger, il ne faut pas le réclamer... Non,je ne suis pas obligé de t'aider, puisque c'est dangereux. Ce n'est pas mon devoir, si ça met ma vie en danger et celle de ma famille".

En second lieu, sa critique virulente de l'épuration, terme plus objectif pour exprimer le règlement de comptes, qui sévit immanquablement à la fin de la guerre ("Tous les survivants voulaient régler des comptes, des juifs communistes aux sionistes"), cette stigmatisation ambivalente peut-être moins tant pour punir les coupables que pour se dédouaner en bonne conscience.

Et s'agissant plus particulièrement des artistes, elle rappelle que sur les 2 500 artistes polonais répertoriés avant la guerre, moins de 10% ont continué de travailler sous l'occupation et seulement 15 furent publiquement pointés du doigt. De quoi s'interroger.

 

MM         
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Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Dans ta direction" de Camille Benatre
"Elevator angels" de CocoRosie
"Belluaires" de Ecr.Linf
"Queenside Castle" de Iamverydumb
"Five to the floor" de Jean Marc Millière / Sonic Winter
"Invincible shield" de Judas Priest
"All is dust" de Karkara
"Jeu" de Louise Jallu
"Berg, Brahms, Schumann, Poulenc" de Michel Portal & Michel Dalberto
quelques clips avec Bad Juice, Watertank, Intrusive Thoughts, The Darts, Mélys

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"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
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"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

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"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
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Du cinéma avec :

"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
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"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
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