Monologue dramatique de Lars Noren, interprété par Cécile Cassel accompagnée de
The Honky Tonk Man dans une mise en scène de Jérémie Lippmann.
Alors que le public entre en salle, elle se tient debout, les yeux fixés au sol sur la plate-forme qui déborde sur les premiers rangs d’orchestre. Sweat-shirt à capuche et blouson noirs, sac au dos, les cheveux attachés en chignon, mutique et déterminée.
C’est une comédienne qui est la porte-parole de Sébastien Bossel - 18 ans (ce lycéen allemand qui, en 2006, fit irruption dans son ancien lycée armé jusqu’aux dents pour faire un carnage), mais ça ne modifie en rien la vision du personnage.
Cécile Cassel interprète ce monologue plein de rage de Lars Norén et elle est bien plus que convaincante. Saisi au collet dès l’entrée, le spectateur reçoit en pleine figure ce texte foudroyant où, tel investi d’une mission divine, Sébastien explique son geste et le parcours qui l’a amené à ce point de non-retour.
Inspiré du journal intime du lycéen publié sur internet (et dont la fin du texte reprend le texte en anglais), "Le 20 novembre" est édifiant dans le fait qu’il exprime tout haut le désarroi d’une partie de la jeunesse moderne laissée pour compte, étouffée par un système scolaire et une société basée sur la compétitivité, dont, jour après jour, elle se sent un peu plus exclue et ne peut exprimer son mal-être et sa solitude, noyée dans un monde virtuel déshumanisé que par des gestes de désespoir comme celui-ci, tel un irrémédiable appel au secours.
Soutenue par la guitare électrique de The Honky Tonk Man, dont les accords soulignent avec réussite les accents de révolte du lycéen, Cécile Cassel est bluffante d’énergie et de sincérité. Avec puissance et sensibilité, elle donne à voir les multiples facettes du personnage et les émotions qu’il traverse tantôt victime ou bourreau, captivant l’auditoire jusqu’au malaise.
Le texte de Lars Norén, même s’il est une interprétation personnelle d’un fait divers (mais sans doute pas très éloignée de la vérité), ne justifie pas mais montre le cheminement vers la haine d’un adolescent en apparence normal que les brimades et le sentiment d’exclusion transforment en meurtrier, et a le mérite de poser avec force des problèmes que la société refuse de voir, ouvrant de multiples pistes de réflexion sur l’éducation, la violence des médias, l’incommunicabilité et l’autisme d’une partie du monde occidental arc-boutée sur ses biens matériels au détriment des valeurs humaines.
Après avoir vu "Le 20 novembre", la question qu’on peut se poser est : jusqu’à quand ?
Jérémie Lippmann, dont il faut souligner la mise en scène précise, épurée et efficace, a souhaité avec ce spectacle transmettre la parole forte de Lars Norén et que le public s’en empare et modifie son regard. Le résultat est largement à la hauteur de ses attentes.
A voir absolument. |