Comédie dramatique de Martin Crimp, mise en scène de Sylvain Maurice, avec Sharif Andoura, Vincent De Bouard, Odja Llorca, Sophie Rodrigues, Janaïna Suaudeau et Gérard Watkins.
En sus de ses qualités intrinsèques exemplaires, "Dealing with Clair" monté par Sylvain Maurice, en création en France, est "le" spectacle à voir pour tous ceux qui ne connaissent l'oeuvre de l'auteur dramatique anglais Martin Crimp.
Ou qui ont été déçus par les propositions vues par une mise en scène pseudo-conceptuelle ou une interprétation littérale qui s'en tenait psittacismes anglo-saxons charmants en langue originale mais plombants en version française.
En effet, pour cet opus dans lequel il voit "oscillant entre intrigue policière et drame psychologique, une pièce sur la banalité du mal", il présente une proposition qui rend compte de la complexité et de la richesse de l'écriture de l'auteur qui sous une approche conversationnelle ordinaire, souvent circulaire, non exempte d'un humour cruel qui se nourrit de la chair à vif de l'autre, agit comme une plaque photographique de l'âme humaine.
Martin Crimp procède à la manière syncrétique de deux de ses aînés, Harold Pinter et Alan Bennett, pour introduire dans une situation banale et ordinaire un élément d'inquiétante étrangeté qui va jouer le rôle autant de manipulateur que de révélateur de l'âme humaine.
En l'occurrence, il élabore un huis clos tragique autour d'une maison à vendre dont les protagonistes forment deux couples antagonistes, les vendeurs, l'agent immobilier et l'acheteur. Rien de très banal si ce n'est que l'inquiétante étrangeté naît de la personnalité de ce dernier, archétype de l'intellectuel nomade et riche, personnage aussi intrigant que séduisant et manipulateur qui prend la main dans cette tractation commerciale.
La pièce, de structure classique, la fin étant dans le commencement avec cette première scène de conversation téléphonique entre le personnage titre et sa mère, comporte des incursions dans plusieurs registres, du théâtre du quotidien au fantastique.
L'intrigue se noue dans le judicieux décor hopperien de Marion La Rocca, avec cet effet de boîte-maquette, un salon banal, anonyme, que les lumières de Marion Hewlett, dans un traitement "field photography" nimbent de couleurs tout aussi hyperéalistes que fantomatiques.
Le couple stéréotypé de la middle classe bien pensante et autocomplaisante qui se figure comme sa maison, couple avec bébe et jeune fille au pair et maison située dans une quartier prisé de Londres, personnages d'un cynisme et d'une obséquiosité tout aussi consommés que naturels, livré à la cupidité induite par la spéculation immobilière est superbement interprété par Sophie Rodrigues et Sharif Andoura.
Face à eux, dans le rôle titre, Odja Llorca campe la victime idéale et Gérard Watkins, scansion faussement hésitante à la Jean-Jacques Vanier, est parfait dans l'ambiguité perverse.
Janaïna Suaudeau dans le rôle de la baby-sitter et Vincent De Bouard complètent une distribution homogène pour une partition toujours sur le fil du réalisme fort bien maitrisée par Sylvain Maurice. |