En collaboration avec le Musée de la photographie de Charleroi en Belgique, la Maison Européenne de la Photographie présente une rétrospective du travail de Marc Trivier.
30 années de pratique de l'argentique par un photographe belge né en 1960 qui s'est consacré à la photographie en série presque obsessionnelle, la transposition photographique de genres picturaux.
Le paysage, même réduit à un élément, avec un arbre rabougri, la nature morte, vue des abattoirs avec les quartiers de viande suspendus, les têtes décapitées et des animaux parqués saisis par l'effroi et l'effarement, dont le si insoutenable regard est parfois caché par une toile, et le portrait.
Et une impressionnante galerie de portraits, tous d'identique format carré, cernés de noir comme un faire-part de deuil. Impressionnante car, hypnotique, elle saisit le regard du visiteur. Et il y a aussi de l'effroi et de l'effarement dans ces regards humains. Comme le note Marc Trivier.
"J’ai l’impression qu’ils ont vu quelque chose. Quelque chose de l’ordre du chaos, de la perte de soi, de la dépossession"
En 1980, Marc Trivier commence une série de portraits d’intellectuels et d'artistes à la notoriété établie et d'anonymes patients d’hôpitaux psychiatriques.
Tous sont photographiés selon un procédé quasi documentaire en utilisant un mode opératoire invariable qui est celui du portrait posé, assis et de face, réalisé en lumière naturelle dans l'intérieur quotidien du sujet qui regarde l'objectif.
L'absence de toute mise en scène et la pose consciente des sujets qui sont tous dans l'automne avancé de leur vie semblent gommer toute spécificité : le fou côtoie le génie et la ressemblance
Aliéné, philosophe, dramaturge, poète, peintre, écrivain, tous semblent adopter spontanément et inconsciemment la même attitude : corps affaissé, mains noueuses à la Egon Schiele et regard absent.
Jean Genet, l'insoumis, ratatiné sur un banc, Samuel Beckett dont les traits acérés se floutent, Michel Foucault en penseur figé, William Burroughs en viellard digne et Nathalie Sarraute poignets croisés comme enchaînés, voisinent avec des malades mentaux de leur génération. Similitude des postures. Similitude des regards. Stupéfiant et poignant. |