Pour de nombreuses raisons trop longues à développer ici, je suis redevable à Rammstein. En effet, grâce à eux, mon cerveau d'adolescent endormi s'est ouvert à Dagmar Krause, aux Residents (et par rebond à Snakefinger) et surtout à Faust. Donc non je n'ai pas d'histoire crypto mystique comme quoi j'aurais trouvé The Faust Tapes dans une cave ou tout autre endroit un peu sombre et mystérieux, aurais senti quelque chose (autre que le parfum du carton en train de moisir) émaner du disque et aurais aperçu Dieu dans la foulée m'indiquant d'un léger que signe que oui ce disque ne déconnait pas (puisque Dieu ou toutes ses manifestations sous quelque forme que ce soit ne déconnent jamais).
Je suis juste tombé sur le disque par hasard. Et c'est donc par hasard que je suis devenu plus proche d'Henri Michaux. En effet, Michaux dans L'Infini Turbulent relate qu'après avoir pris de la mescaline, on ne conçoit plus le monde comme tournant sur un seul sillon mais sur quatre mille. "Krautrock" soit le morceau qui ouvre The Faust Tapes s'approche parfaitement de l'illustration de cette idée : au commencement, on ne voit qu'un sillon au mouvement régulier, puis sans savoir comment ce dernier se démultiplie et chacun des sillons semble avoir son propre mouvement, son propre rythme au point de dilater le temps et l'espace. La matrice originelle s'efface et il ne reste plus que le mouvement. Tout devient alors question d'ondes et de leurs intensités respectives. Les gens qui ont compris cela ne s'en sont jamais remis.
Ceci dit, une question se pose : Faust est-il encore pertinent en 2011 ? Après avoir travaillé à faire éclater les frontières entre musique expérimentale et populaire durant les années 70, que peut encore réaliser le groupe sans se répéter ?
Finalement, c'est assez simple. Poursuivre la même ligne. L'aliénation de l'être humain par la machine. Ou en tout cas la marche inquiétante de tout un cortège mécanique. Un peu comme dans ce film de merde avec le gouverneur de Californie (je pense d'ailleurs que son élection est lié au fait d'incarner un robot réaliste et sociopathe) mais en plus vivant, en plus humain. Chez Faust, le bruit devient organique, les multiples torsions et distorsions des instruments ne servent plus qu'à servir cette volonté d'exprimer ce mouvement au-delà de la conscience, cette part d'humanité dans la machine et inversement. L'ensemble du disque joue sur cette dualité : alternant moments de tension et accalmies, explosions et implosions (à l'image des deux morceaux "Dampfaulass 1" et "Dampfaulass 2"). Le langage est peu présent et dans ces rares cas ("Lost The Signal", aux accents trip-hop, "Je bouffe" : hommage à Françoise Hardy dérivant en manifeste proto révolutionnaire) est parcellaire, évoluant à l'intérieur d'un morceau plutôt que le dirigeant.
En 2011, Faust rend les machines plus humaines que jamais, appuyant une fois de plus l'idée que leur musique ne s'écoute pas mais se ressent. |