"Ah merde ca fait
vraiment chier ce temps à la con" s'exclame le festivalier
en ce beau dimanche matin pluvieux alors qu'il sort de sa tente
pas tout à fait étanche contraitement à ce
que lui avait prédit le vendeur ! En effet, ce troisième
et dernier jour des Solidays se déroulera à nouveau
sous la pluie.
Aujourd'hui dimanche, rien de tel qu'une petite messe. Même
si les cloches ne sonnent pas, nous assistons à celle des
Soeurs de la Perpétuelle Indulgence. Sous la houlette
de Sœur Thylège de la Vache Folle Gardienne des Anges
Dite la Gothique, les nonnes vont nous distiller, sur fond musical
de tubes parodiés, un show délirant.
Cornettes
et voiles sont bien présents mais les maquillages kitsch
et les tenues excentriques des sœurs de Paname ont fait un
détour par chez Michou et le Queen et elles nous entraînent
dans une ronde festive et roborative.
Cette messe sous forme de comédie musicale est un véritable
spectacle de cabaret qui sous tend un message militant concernant
tant les problèmes liés au sida que ceux d'acceptation
de la différence. Percutant dans le message et drôle
dans la forme, ce spectacle baroque restera à n'en pas douter
dans les mémoires.
Avant le final, une des soeurs rappelle que l’insulte corrode
et tue aussi. ("On utilise l’image de la folle qui est
détestable mais nous restons des humains... Ne laissez pas
éteindre vos rêves car c’est cela qui fera demain.").Et
"que Sainte Pouff et Sainte Utopie veille sur nous ce week
end !".
Sous une pluie battante, nous nous rendons
au concert de Max Romeo, le rastafara
man, encore dans son emballage d'origine garantie années
60. Le bonhomme a de l'allure avec ses immenses dreadlocks et son
magnifique sourire bordé d'une barbe grisonnante. Et comme
le vendredi lors du concert de Patrice, le vieux monsieur nous fait
remarquer avec les yeux qui pétillent qu'il a cessé
de pleuvoir dès lors qu'il s'est mis à chanter son
reggae dans la plus pure veine historique.
Saxo, trombone, guitare, basse, batterie pour le roots reggae vibrant
avec chœurs comme au bon vieux temps avec les messages usuels
: "Peace and love is the message of every time", "Jah
is happiness, I love you too".
Tiré à 4 épingles Max Roméo fait monter
la température et un drapeau rasta émerge même
du public .. ainsi qu'une forte odeur de joint d'ailleurs...Toute
bonne chose ayant une fin, la pluie reprend le dessus et cette fois
ci notre vénérable rastaman n'y pourra rien.
Nous filons à l'interview de Bénabar
pour l'un et au concert de Keziah Jones
pour l'autre.
Chemise
ethnique négligemment passée par dessus un marcel
blanc, sur scène devant une foule de fan dont le nombre est
important. Cela étant, il mérite largement son succès
car même si il joue dans un registre relativement peu original,
sa musique, mélange de free jazz, de funk et de rock, est
plutôt du genre percutante et fédératrice. L'homme
étant aussi un virtuose de la 6 cordes, ce qui ne gâche
rien d'autant qu'il a su construire son style et son propre son
autour de ses multiples influences..
Mais ce n'est pas le moment de faiblir, il faut vite retourner
de l'autre côté pour aller voir The
Servant, groupe de power pop anglais, guitare, basse, batterie.
The servant c'est essentiellement l'anglais
Dan Black qui nous distille une pop rock électronique
et mélodique qui n'a rien de révolutionnaire mais
dont les ruptures sont faites sur mesure pour lui permettre tant
les effets de voix que les jeux de scène qui ne sont pas
sans rappeler ceux de la chanteuse d'AS Dragon mais en moins dénudé.
Pendant ce temps se produisent sous le Dôme les incontournables
Fabulous Trobabors.
Fabulous les bien nommés car fabuleux au sens d’étonnant
et d’incroyable. En 1992, leur premier album Era
pas de faire a constitué un véritable OMVI
(objet musical non identifié d’après la terminologie
kurtienne) en créant un genre musical inédit le "rapatois"
mélange ultime et particulièrement hardi de rap et
de musiques traditionnelles.
Claude Sicre, l’exhumeur du patrimoine
des musiques populaires d’Occitanie des chansons de tradition
orale enrichies par chaque génération, et Jean-Marc
Enjalbert alias Ange B, l’human beatbox, ressuscite
les joutes vocales primitives de tous horizons.
Malicieuses, drôles et efficaces, elles prônent sous
des airs guillerets et des paroles simples les valeurs traditionnelles
que sont le civisme, la démocratie et la pluralité
culturelle.
Les toulousains sont venus certes avec leur tchatche et leur tambourin
mais également avec 2 choristes, une percussionniste et 2
danseurs. Le Dôme est plein et le spectacle sera autant dans
la salle que sur scène. Les deux compères sont toujours
aussi à l'aise dans leurs duels verbaux et se répondent
du tac au tac avec une rapidité et une fluidité impressionnante.
Leurs textes eux, sont toujours aussi drôles ("Je ne
rêve pas du paradis/Chez nous on le construit/Toulousain rime
avec zinzin") et savent titiller l'auditeur là ou il
faut pour lui placer quelques vérités bien senties
entre deux blagues qui ne sont pas comme le dit Claude "des
jeux de mots de l'almanach Vermot" !
Et lorsqu'ils demandent au public avec l'aide des 2 danseurs de
faire des rondes et de danser chacun à leur tour à
l'intérieur, tout le monde y va de son trémoussement
et Claude se lance dans une impro ne contenant que des rimes en
"é", jusqu'à...épuisement.
Bel exercice de style et ambiance incroyable qui monte encore d'un
ton quand les Fabulous Trobadors font monter sur scène un
certain Christophe, choisi au hasard dans la foule car c'est son
anniversaire qui lui sera donc souhaité par plusieurs centaines
de personnes et par la chanson" Un an de plus".
Conférence
de presse des Fabulous Trobadors >>>
Après les interventions des représentants d’associations
de lutte contre le sida de nombreux pays, notamment d’Afrique,
le public est invité à faire un Die-in
en solidarité avec la 15ème journée
internationale contre le sida qui s’ouvre aujourd’hui
même à Bangkok sous la pluie.
En savoir
plus >>>
Le changement d'ambiance est brutal lorsque quelques minutes plus
tard les Java investissent la scène
Paris. Entre chansons et musette, les titis parisiens de Java amusent
la foule, notamment en sautant dedans à poil, mais ne parviennent
pas vraiment à convaincre.
Un sandwich à la saucisse de Toulouse plus tard, petit détour
par le concert de Thomas Fersen sous le
Dôme. Concert retardé par la visite du ministre de
la Culture mais qui commence enfin sous un tonnerre d'applaudissements.
Le dandy Fersen apparaît sur une scène un peu personnalisée,
avec de jolis éclairages sphériques, un piano et un
panneau indiquant la ville de "St Jean
du doigt" (petite bourgade bretonne et titre de la dernière
chanson du concert).
Ce qui frappe chez Thomas Fersen, c'est le décalage entre
ce personnage un peu austère et dandy et ses textes oscillants
entre poèmes surréalistes et petites histoires de
la vie ordinaire mais aussi son humour pince sans rire qui lui fait
dire avec un naturel confondant en attrapant son ukulele "le
ukulele est à la guitare ce que le string est au caleçon".
Un concert impeccable d'un artiste assez singulier dans la chanson
française qui semble aujourd'hui avoir enfin trouvé
le public qu'il mérite.
C'est maintenant l'heure du concert de Bénabar,
qui lui aussi semble attendu par nombre de fans mais cette fois
ci sur la grande scène.
Tout
de noir vêtu, il entre sur la scène en trombe avec
un tonitruant "Bonsoir M'sieurs dames !" et c’est
parti. Il prend le public à bras le corps et ne le lâche
pas.
Fer de lance de la nouvelle chanson néo-réaliste
française, il a de l’abattage, visiblement à
l'aise et heureux d'être là, déversant ses histoires
de la vie de tous les jours, avec un humour parfois grinçant
sur une musique assez pêchue pour de la chanson mais peut
être pas assez pour du rock.
Une musique entre deux eaux et des textes fédérateurs
dans lesquels tout un chacun peut se reconnaître. Avec parfois
des accents à la Montand ou à la Paolo Conte, il a
manifestement de la présence et un certain charisme qui épate
les spectateurs.
Un concert sans bavure, Bénabar est content : "Merci
M'sieurs Dames !"
Impossible de voir les Sinsemilia qui jouent en même temps
que les Têtes Raides qui ont la
réputation d'être un bon groupe de scène.
Et là ou je m'attendais à voir un groupe de chanteurs
pour instituteurs pseudo intello, je me retrouve face à une
ribambelle de musiciens de talent, tous vêtus de noir et multi-
instrumentistes, qui nous prouvent qu'il n'y a pas besoin de guitares
hyper saturées pour faire du rock.
Ainsi à coup de violoncelle, violon, clavier, cuivres en
tout genre, guitare acoustique ou accordéon les Têtes
Raides produisent un rock intelligent et joyeux tout en ayant des
propos fort et un engagement fort (ils sont à l'origine du
mouvement "Chaos social").
De la scansion incantatoire à la mélopée indienne,
de la fanfare à la musique médiévale, tout
passe à la moulinette de la horde noire. Au fil des morceaux
les Têtes Raides passent d'un instrument à un autre,
d'un style à un autre tout en gardant une certaine unité
qui en fait leur image de marque.
C'est devant un public quittant déjà massivement
l'hippodrome que se produira en clôture le groupe de rap IAM
dans le noir total pour des raisons techniques. Admettons...
Et la nuit tombe sur Solidays...
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