En allant ce soir à la Malterie en vélo, une chose était d'ores et déja certaine : si on me pique mes roues, je saurais où trouver Pneu. C'est en songeant à cette mauvaise blague du mardi soir et en préméditant de commencer mon article de la sorte que je chevauchais mon vélo.
21h pétantes, le concert débute par le projet de Jason Van Gulick, batteur officiant dans le metal.
La configuration est simple : une batterie entourée de micros reliés à une table de mixage, ou alors à certaines pédales d'effets. La batterie est composée de tout ses toms, d'un charley et d'une paire de cymbales dont une orientale. Pour le premier morceau, d'autre percussions sont déposées sur les peaux, se servant de ses dernières comme résonance à raison d'un sample. Dans l'esprit, la performance, car il s'agit plus ici de performance que de concert, m'a rappelé 1984, fabuleux disque de Hugh Hopper (ancien bassiste de Soft Machine, paix à son âme d'ailleurs), mais en version Duracell (alias André Diamant, batteur 8 beat, bit pardon), tout en étant, je trouve, dans une lignée Krautrock lorgnant du côté de Neu ! et bien évidemment Can.
Ce genre de performance se ressent avant de se décrire, c'est pourquoi je vous encourage à vous renseigner sur l'actualité de ce formidable batteur autant teinté de free que de metal. Car il y a derrière tout ça une véritable réflexion sur l'instrument, sur le son qui est indescriptible par l'écrit. Jason Van Gulick jouant par moment avec des cymbales en guise de baguettes, en les frottant contre les peaux, ou alors avec un capteur (ou saphir de platine, je m'interroge encore), pour obtenir une résonance et une vibration menant au larsen dans le but d'en tirer des variations soniques.
Le set fut d'une durée de 20 minutes, ce qui est finalement bien pour ce genre de musique et évite de tourner en rond ou de tomber dans l'autocomplaisance.
Place maintenant à Ed Wood Jr, duo Lillois Math Rock, composé d'un guitariste et d'un batteur et possédant une bonne energie scénique. J'avoue m'y connaitre assez peu dans ce registre de musique qui me semble être au final du rock progressif paradoxalement mixé avec du hardcore. Ce qui me semble donc étrange à une époque où les gens crachent sur le progressif sans finalement souvent en connaître ne serait ce qu'un petit échantillon.
Pourtant, dans le concert de ce soir, j'ai retrouvé énormément d'idée provenant du King Crimson de Robert Fripp, période Red plus trilogie Discipline / Beat / Three of a Perfect Pair. A l'époque où Fripp était démonstratif et tombé dans le shred, où il inventait le Frippertronics, ce bidule de sample marchant à bande.
Car il fut aussi énormément question de sample (dont certains de film en ce qui concerne Ed Wood Jr) ce soir, tous les groupes en usant afin d'ajouter des lignes directives dites classiques
sur des riffs bien plus démonstratifs (pour en revenir au shred). Les compositions sont pour la plupart instrumentales à part sur les derniers morceaux, mais les décibels vont bon train et il est difficile de comprendre les cris du chanteur. Ce qui d'ailleurs n'est franchement pas essentiel dans ce genre de musique, et relève en général, une nouvelle fois, de la performance (notamment chez nos amis japonais, voir Hanatarash pour plus d'explications, les images parlent d'elles-même) et donna lieu à un sous genre appelé screamo, dont la France aborde fièrement le style.
C'est au détour d'une bière que Pneu s'installe, pas sur scène mais au milieu de la salle et donc entouré par la foule. Concept intelligent et véritablement jouissif pour le registre musical proposé, autant pour le public que pour les musiciens.
Le concept de simple concert se transformant en véritable orgie de cheveux transpirés. Une théorie me vient alors à l'esprit, si un chauve vient à un concert de Punk, Hardcore, Math Rock, Progressif, Noise... qu'importe le nom, il en sortira les cheveux longs et ressemblant à un véritable yéti, car il est indéniable qu'avoir des cheveux à ce genre de soirée rend les choses bien plus agréables !
Cette date est la première de la tournée de Pneu, durant laquelle ils défendent leur dernier brûlot imaginatif, Highway To Health (sorti chez Head Records). L'énergie déployée est incroyable, jouant face à face, guitare branchée sur un mur d'amplis et batterie martelée à la double pédale. Véritablement jouissif, ce live fut une partie de plaisir intégrale pour quiconque se trouvé au centre du Pneu. Car le public fut un élément essentiel au set, donnant foi aux musiciens ou en remettant une grosse caisse bien capricieuse en face des pieds du batteur. Les bouchons étaient néanmoins indispensables, car si un disque de Céline Dion n'a que pour unique prétention de nous casser les oreilles avant de faire exploser les fenêtres, les 130 décibels de ce soir ont failli faire pêter le goulot de ma bière tant la vibration était lourde. Ici réside l'unité même de ce que l'on a un temps appelé le rock'n'roll, les enfants. Et le mec qui a gueulé "vive la Motown" juste avant le rappel, ne l'a visiblement pas bien assimilé.
Après un concert de folie, tout le monde se rue au bar ou sur le merchandising, pendant que le batteur, maintenant torse nu, essore son t-shirt débordant de sueur sur son tapis de batterie. Sur cette image presque pornographique, l'on pourra conclure que quand même, ça démonte Pneu. |