Comédie dramatique de Jean-François Charlier, mise en scène de Valia Boulay, avec Jacques Garsy, Julie Quesnay et Jean-Marie Burucoa.

Ecrit en 1985, "Banqueroute" de Jean-François Charlier se présente comme un hybride du théâtre de situation et du théâtre de la parole caractéristique du théâtre des années 80 et dans sa note d'intention, Valia Boulay, qui en assure la mise en scène, évoque à juste titre le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Jean-Luc Lagarce.

L'auteur y brasse, par des dialogues effilés au rasoir et de brefs soliloques en rupture de ton sur une rédemption rêvée, les thématiques de la tragédie existentielle de l'homme, de la solitude inhérente à la condition humaine, de la violence des rapports humains, la mort, l'impact délétère du passé sur fond de lucidité irréductible qui se décline selon les personnages en névrose, en cynisme ou en acceptation.

Au terme d'un road-movie "industriel", ce trio aux relations affectives ambigues, composé de "trois crabes aux pinces coupantes à la fin du fleuve", se trouve acculé à une situation limite de "no retourn" au cours de laquelle va se jouer ou se rejouer une scène qu'il semble déjà avoir vécu mais dont le dénouement sera peut-être différent.

En adéquation parfaite avec le registre dramaturgique, la mise en scène de Valia Boulay est exemplaire de sagacité et de précision pour restituer, dans un temps dilaté à l'extrême presque de la lenteur, le sens d'un texte séquentiel qui véhicule des fragments d'histoire et des bouffées de détresse thétique.

La direction d'acteur est à l'avenant et les comédiens portent cette partition kaléidoscopique avec justesse et talent. Entre Jacques Garsy, vieux lion terrassé par la lassitude qui aspire à l'absence, et Jean-Marie Burucoa, l'homme qui veut encore marcher, Julie Quesnay est la somnambule funambule sur le fil de sa vie brisée.

De la belle ouvrage donc.