Le monde est beau est le premier album d’Olivier Delafosse, renommé Oldelaf "par une astuce linguistique trop longue à expliquer", mais pas sa première expérience musicale, puisqu’il a joué avec Les Fatal Picards et a groupé avec Monsieur D, c’est ainsi que j’ai fait sa connaissance, avec Le Café. Mais c’est fini, Oldelaf poursuit sa route tout seul en tant qu’auteur, compositeur, interprète, chanteur, humoriste… Oui, tout ça. Gros pari de la part d’un type qui chante avec un extincteur dans les bras.
Le meilleur atout d’Oldelaf, ce sont les mélodies efficaces, à peine entendues, elles restent et ressortent au bout des lèvres à la moindre occasion. Mais ne nous emballons pas, commençons par le commencement, le titre phare de l’album c’est "La tristitude", un joli néologisme qui aurait certainement amusé certains membres de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (en résumé, une joyeuse bande de littéraires cinglés qui passaient leur temps à jouer avec les mots, le vocabulaire et l’indigeste grammaire française, un délice). Et du coup, la tristitude, c’est quand ton coiffeur t’apprend que tu as des reflets roux, que tu marches sur un tout p'tit Légo… ça fait mal. Mais qu’est-ce que c’est drôle d’en parler comme ça !
C’est comme écrire un titre entier pour dire "J’ai chaud", oui, parce que tout énerve quand on a trop chaud, on se sent comme un lapin dans un four à micro-ondes, et puis on trouve tout nul, et quand on a un œil qui fait des bulles… ça énerve, et j’ai trop chaud… Sur une musique qui rend dingo, un rythme qui s’accélère, un signal d’alarme… Pour les rancuniers de notre été pourri, il suffit de sauter au rythme de la chanson, vous allez voir que vous allez aussi râler au rythme de "J’ai chaud" !
Oldelaf dérisionne le quotidien avec un œil effronté d’enfant aux genoux écorchés. "Le monde est Beau" car on est tous sur le même réseau, vive fessebouque et touiteur… les blogs sur la solitude, les mails et les réseaux d’amis virtuels. Ou le paradoxe des millions d’amis qui ne sont pas là pour nous prendre dans les bras, paradoxe de la solitude au milieu de la foule : "chaque jour on est plus nombreux à être seul dans le bateau", sur une entêtante ritournelle qui n’a pas quitté le bout de mes lèvres pendant deux jours et une nuit !
Un jour, quelqu’un a expliqué qu’il vaut mieux rire pour ne pas pleurer. Oldelaf est un pléonasme à cette phrase, il traite les soucis quotidiens avec beaucoup d’humour, comme dans "La jardinière de Légumes" qui rend humble, parce que ça ressemble vraiment à des cadavres de légumes, même si ça leur arrive d’être bons, pourquoi ne pas faire des vrais légumes aux invités ? Comme des frites par exemple !
Son dernier titre est "Le testament", dans lequel il réclame d’abord des loufoqueries, comme une floppée de colombes aux ailes coupées dans une cage en hauteur, mais il rassure également ceux qui restent ("tu verras qu’au fond je ne pars pas vraiment"), et veut tous ses amis dans son cortège comme dernier privilège. Comme quoi, sa drôlitude combat bien la tristitude finalement. |