Wladimir Anselme avait fait l'objet d'un live report dans ces colonnes, il y a deux ou trois ans, déjà aux Trois Baudets, où il passait en première partie d'Imbert Imbert. En ce mois de novembre, pour la sortie de son deuxième album Les heures courtes, c'est en tête d'affiche, et devant une salle pleine qu'il passe cette fois-ci.
Grand escogriffe mal rasé, pantalon rouge et chemise noire, il est accompagné par son groupe les Atlas Crocodiles qui sont, quant à eux, tout de noir vêtus.
Ce qui surprend d'abord chez Wladimir Anselme, c'est la voix. Difficile à définir ou à comparer, elle semble être la voix d'un adolescent qui n'a pas encore mué mais fume trois paquets par jour depuis son cinquième anniversaire.
On regrette le son un peu étouffé sur les premiers morceaux qui empèche d'apprécier les paroles. C'est seulement à partir du troisième morceau, une mise en musique de "La cueillette", un poème d'Apollinaire, qu'on commence à pouvoir réellement écouter des textes dans lesquels il est question de femme arc-en-ciel, d'homme flou, de premier amour roulé en boule dans la poche revolver, et fort souvent de chiffons.
Bras ballants, regard vers le sol, les chansons douces semblent mieux convenir à Wladimir Anselme que le progrock des Atlas Crocodiles, même lorsque celui-ci se pare de mélodies arabisantes. Alors que les rythmes se font plus lents, que les lumières deviennent tamisées, sa poésie se fait plus urbaine. C'est beau une ville la nuit.
Les influences de Wladimir Anselme se situent quelque part entre Arthur H et Thiéfaine ("Reprends ton fric, aujourd'hui c'est gratuit"), voire le temps d'une chanson il donne l'impression de faire le grand écart entre "Meat is murder" des Smiths et "Poulet N°728120" de Philippe Katerine.
Wladimir Anselme cultive un univers qui lui est propre, mais il impose au public d'étranges ruptures de rythme durant le concert en se lançant, entre deux chansons, dans des disgressions qui ont un début mais rarement de conclusion.
A la fin du spectacle, on ressort avec l'impression que Wladimir Anselme a ouvert la porte de son jardin fantastique peuplé d'êtres et d'animaux étranges, mais qu'il ne viendra jamais chercher le spectateur par la main. A vous de décider d'en franchir les grilles, ou non. Ce soir-là, la plupart des spectateurs semblait en tout cas connaître le chemin de cet étonnant jardin. |