Ce n’était pas gagné. J’ai reçu l’album par une journée maussade où le brouillard n’a pas levé de la journée. J’ai reçu en même temps ma taxe d’habitation, qui a bien évidemment augmenté. J’ai renversé mon sac poubelle dans les escaliers. Mon chat a vomi dans mes chaussures préférées. J’ai même raté les soldes de mon meilleur fripier. Que des petites merdes toute la journée. C’est donc sans regarder "The bouc song" du Chèvres show, ni les trois bonhommes de la pochette que j’ai mis le CD dans un lecteur.
J’aurai dû voir qu’ils étaient à 50 centimètres du sol, j’aurai peut-être su à quoi m’attendre. Puisque ma mauvaise humeur m’a fait hausser les épaules alors que mes pieds cherchaient de vieux pas oubliés (il est d’ailleurs d’usage de penser que les pieds trahissent le mieux nos pensées, puisque leur connexion au cerveau les leur transmet, tandis que leur éloignement les dispense du contrôle strict qu’exerce la volonté sur les épaules, mais je suis d’accord, on s’en tape).
Il n’a fallu que deux titres au Chemin des Chèvres pour convaincre mes pieds de convaincre mon cerveau de lui redonner un charleston digne de ce nom. Vous savez, cette danse sautillante, qui se swingue avec des talons, un large sourire et des froufrous qui s’agitent au moindre souffle. Essoufflée, je me suis donc penchée sur l’album et j’ai découvert l’indécouvrable : Le Chemin des Chèvres est une AOC Auvergnate ! Chouette, moi aussi !
Sur des airs jazz manouchéens, des guitares swinguantes, des percussions à bout de souffle, Le chemin des chèvres nous emmène du bon côté de la force : la gaieté et l’insouciance, avec cette fabuleuse allégresse qui fait dire que rien n’a plus d’importance que de rire douze fois par jour. Facile, quand on voit ce que le quotidien nous offre d’absurde : à commencer par les moustiques qui s’agglutinent autour d’une ampoule restée allumée ("Le Flytox"), "La Castafiore" qui chante mal, "La Samba du malin", "Ouistiti", "J’m'en fous"… Douze titres pour regarder vers la bonne humeur et la dérision d’une "sweet humoristic chanson déglinguée".
C’était une journée où le grand manitou avait décidé de changer la déco en fogg irlandais peuplé de créatures enchantées, où j’ai refait la déco de l’escalier à base de pelures de patates et de croutes de fromage, 100% naturel, où mon chat m’a offert l’opportunité de courir le cordonnier pour trouver une perle rare plein tarif…C’est pour quand les soldes aux impôts ?
"Que le Seguin soit avec vous.
Et avec votre esprit.
Merci.
A bientôt en concert petit canaillou" |