Où étiez-vous dix ans avant maintenant ? Personnellement, j’avais encore mon cartable avec mes cours, je rackettais mes parents et je pouvais m’asseoir sur mon lit pour cuisiner. Dix ans plus tard : j’ai changé de cartable, mes parents me rackettent et ma chambre est dans l’aile Ouest, ma cuisine dans l’aile Est.
Yves Jamait, lui, il y a dix ans, débutait sa carrière. Aujourd’hui, Saison 4 est son quatrième album, et il va encore porter la couronne du succès.
Il vient de Dijon, le bonhomme et a croisé l’agaçant Patrick Sébastien, qui a misé sur lui et a bien fait. Son créneau à lui est la chanson française traditionnelle : voix cassée, guitare pour le schtonk, accordéon pour le dzouing, et une petite trompette qui se glisse pour le pouet pouet qui va bien, et un piano pour le joli ding ding. Ça fait des petites chansons sur la vie, le temps qui passe, la solitude, l’amour, les plaisirs.
La tornade Zaz le rejoint sur "La radio qui chante", et si le premier titre ne m’avait pas convaincu (un "Pauv’ Pom'" sur le c’était-mieux-avant), celui-là m’a séduite. Un petit bout de swing-jazz-machin pour parler d’un couple à l’amour fané, en forme de le-monde-tourne-encore. Yves Jamait chante le quotidien et la vie qui file à toute allure est un train dans "Gare au train" ("au train où ça va, avant qu’il déboule il faut rentrer les draps").
Il parle beaucoup d’amour ("Je t’oublie", "J‘me casse", "Regarde-moi", "C’est beau les filles"), sur l’amour du quotidien, loin des soupes romantiques parfois servies ailleurs, l’amour filant, les habitudes et la lassitude, mais aussi les émois que provoquent chez lui les filles.
Il est touchant dans le contemplatif dans "Même sans toi" : "un ciel encore humide de tremper dans le bleu d’un clapotis tranquille se berce dans les cieux, une mer d’aluminium, je voudrai que tu sois là, je voudrais que tu vois ça, j’avoue que je n’y crois pas, c’est beau même sans toi c’est beau".
Il est émouvant dans "Trier des cailloux", en duo avec sa fille : "c’est des trucs pour les grands d’avoir des choses à faire, on leur court derrière, on fait tout de travers, on croit gagner du temps et souvent on en perd" et sa fille de répondre de sa craquante voix d’ange : "Ben moi quand je le perds, que je ne sais pas quoi faire, je m’assois là par terre, je joue avec des pierres".
Yves Jamait ne s’arrête pas là. Au long de ses 13 titres, il évoque également "La cinquantaine" ("deux fois et demi vingt ans, si c’est la mer à boire, je veux la boire versée dans des chopes d’amour"), les soirées arrosées et les lendemains difficiles ("Arrête !"), c’est la dernière au bar.
Yves Jamait s’inscrit dans la nostalgie et la mélancolie quotidienne, mais il sait être optimiste et trouver l’émotion qui rassure, la contemplation qui apaise, la solution à la déprime est ici : Saison 4. Voilà un tendre poète, comme un papa indulgent. |