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Interview  (Paris)  26 janvier 2012

Ce qui surprend, lorsqu'on rencontre Anna Aaron et sa guitariste Emily Zoé - qui se produit d'ailleurs aussi en solo -, c'est la maturité des deux musiciennes malgré leur jeune âge. L'attitude est professionnelle, la détermination se lit sur leurs visages et la maîtrise de leur instrument ne fait aucun doute. La nuit est tombée, c'est le moment d'essayer de comprendre d'où vient la musique envoûtante d'Anna Aaron.

Ce disque est très cohérent, autant visuellement que musicalement. A-t-il été mûrement réfléchi ou fait avec les tripes ?

Anna Aaron : Oui, avec les tripes. Pour moi, la musique se fait d'abord avec le corps. Mais il y a néanmoins la recherche d'une logique, parce que la musique est aussi mathématique. Il doit y avoir une cohérence entre les rythmes et les harmonies. Ça ne peut pas être totalement anarchique.

Avez-vous abordé la réalisation de ce second album de la même façon que le premier ?

Anna Aaron : Je compose toujours énormément, alors c'est d'abord une affaire de choix entre les morceaux que je souhaite enregistrer. Mon premier disque était très court, il ne comportait que sept chansons. L'idée du premier disque était de faire une démo, c'est un hasard s'il est passé en radio et a fini par sortir. Le second a été préparé plus longuement.

Vous avez tourné en première partie d'Erik Truffaz, qui participe d'ailleurs à l'album. Comment étiez-vous accueillie par un public jazz, alors que votre musique n'est pas du tout dans ce style ?

Anna Aaron : Oui, c'est vrai. Lorsque j'ai tourné avec Erik Truffaz, je jouais solo au piano. Il n'y a qu'en Allemagne, parce que nous tournions dans de vrais clubs de jazz, que c'était parfois particulier. Ailleurs, les concerts se déroulaient devant un public moins pointu. Quoiqu'il en soit, dans le jazz grand public, les spectateurs sont tout à fait ouverts. Alors accueillir une jeune fille au piano ne les dérangeait pas. C'est une tournée durant laquelle j'ai énormément appris.

Revenons à votre album Dogs in spirit, le morceau qui ouvre l'album "Elijah's Chant" est assez abrupt. Comment a été choisi l'ordre des morceaux ?

Anna Aaron : J'ai fait des propositions à la maison de disques, il y a eu des essais et des changements durant le processus d'élaboration. Mais pour ma part, dès l'enregistrement, il était clair que "Elijah's Chant" devait être le morceau d'ouverture. Ce morceau est un peu comme un meuble trop grand qui ne trouve pas facilement sa place dans un intérieur.

Vous avez été élevé dans un milieu religieux. Est-ce pour cette raison qu'on retrouve des inspirations gospel sur "Since I met you my peace is gone" ?

Anna Aaron : C'est vrai que j'ai entendu beaucoup de musique religieuse durant mon enfance. Mais cette influence n'est pas consciente.

"Where are you David ?" est une autre chanson qui, par sa forme, se détache du reste de l'album.

Anna Aaron : C'est une chanson très simple dans laquelle il n'y a que peu d'accords. Au début, j'hésitais à l'ajouter aux autres chansons de Dogs in spirit. Je l'ai fait écouter au producteur qui, pour sa part, l'a beaucoup aimée. Je ne m'attendais pas à l'enregistrer. Je craignais que les auditeurs ne la trouve ennuyeuse. Il s'avère que non.

"Joanna" est une chanson de femme, et pourtant une chanson dure. Quelle a été votre motivation pour l'écrire ?

Anna Aaron : C'est difficile à expliquer. Cette chanson parle de la violence contre moi-même. Joanna est le prénom de la petite fille que je n'ai pas ou pas encore. J'y explique que si j'avais une enfant, je devrais d'abord prendre soin de moi plus qu'aujourd'hui pour pouvoir m'occuper d'elle, parce que j'aurais alors la responsabilité d'une autre vie.

Sur votre disque, le travail de mixage sur les percussions apporte énormément. Comment travaillez-vous en amont, les intégrez-vous déjà sur les maquettes ?

Anna Aaron : En effet, c'est un ingrédient très important. J'arrive en studio avec des rythmes déjà enregistrés. A la maison, je réalise des boucles en tapant sur le piano. J'aime travailler à partir de loops comme dans l'électro, mais avec des sons organiques, c'est vraiment ma main qui tape sur les objets. Et parfois, ce sont des sons enregistrés à partir d'objets de la vie courante qui sont intégrés à la musique, ou bien des craquements, ou des respirations. Et les "Tchrrr-rrr" (ndlr : retranscription approximative) sur "Fire over the forbidden mountain" ont aussi été enregistrés chez moi.

Pour revenir à la pochette, le visuel est puissant et donne une impression de rituel païen, ce qui est cohérent avec les symboles de l'eau et des animaux qu'on retrouve tout au long des paroles. Pourtant, et malgré la photo de votre visage maculé de terre, cet élément est étrangement absent de vos paroles.

Anna Aaron : En fait, je n'ai pas vraiment cherché la symbolique avec les animaux et l'eau. Certes ces éléments reviennent, mais la matière première pour mon écriture est la peau, et aussi ce qui concerne les tatouages et les pratiques de scarification. Je me suis intéressée aux pratiques tribales, à la manière dont on se sert dans certaines tribus du corps et de la peau comme support à l'art. Le disque, tout comme la pochette, a été nourri de mes lectures sur ce sujet. Quant à la photo de la pochette, ce n'est pas de la terre mais de l'encre.

Vous avez passé votre enfance aux Philippines, où votre père était missionnaire. Or la pratique de la religion aux Philippines est hystérique, c'est l'un des derniers endroits où les catholiques se flagellent lors des cérémonies du vendredi saint, par exemple. En tant qu'enfant cela a dû être marquant, voire traumatisant. Aujourd'hui votre musique est-elle portée par la chose religieuse, ou a-t-elle remplacée, pour vous, la religion ?

Anna Aaron : C'est vrai qu'aux Philippines, j'ai assisté aux pratiques religieuses et traditionnelles des fidèles. Les rites catholiques se mélangent à des rituels païens et vaudou, ce qui donne des scènes très étranges. Enfant, exposée à cela, ça a été très marquant. Ensuite, à notre retour en Suisse, j'ai reçu une éducation religieuse très stricte. La musique, pour moi aujourd'hui, est ce qui me permet d'établir la connexion entre ces pratiques païennes auxquelles j'ai assisté durant mon enfance, et la religion dans laquelle j'ai grandi ensuite.

La pratique de la religion est très ritualisée. Vous-même, avez-vous des rituels lorsque vous composez ou avant de monter sur scène ?

Anna Aaron : Non, jouer est un rituel en lui-même. C'est différent lorsque je compose, c'est à la fois un combat intérieur, et une recherche d'apaisement. Après le tumulte, il y a forcément besoin de paix, mais c'est un combat qui reprend sans cesse.

Retrouvez Anna Aaron
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La chronique de l'album Dogs in Spirits de Anna Aaron
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Anna Aaron en concert au Festival Les Femmes S'en Mêlent #17

En savoir plus :
Le site officiel d'Anna Aaron
Le Bandcamp d'Anna Aaron
Le Myspace d'Anna Aaron
Le Facebook d'Anna Aaron

Crédits photos : Thomy Keat (Retrouvez toute la série sur Taste of Indie)


Laurent Coudol         
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Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa discographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !

Du côté de la musique :

"Prisme de l'eau" de Daniel Humair Trio & Samuel Blaser
"De l'ombre à l'aube" de Edward Perraud
"Mes elles" de Rosalie Hartog
"Dès demain" de Wallace
"Shapes and sounds" de Yonathan Avishai
et toujours :
Nouvel épisode "Rebonds, partie 4" de la saison 2 du Morceau Caché !
"Notturno" de Eva Zavaro & Clément Lefebvre
"The human fear" de Franz Ferdinand
"Flûte et orgue à Notre Dame de Paris" de Jocelyn Daubigney & Yves Castagnet
"Intégrale de l'oeuvre pour violon et piano de Schubert" de Maria & Nathalia Milstein
"Deep in the forest" de Quatuor Akilone
"Everlasting seasons" de Vanessa Wagner

Au théâtre :

"Grand reporterre #10 : A la table du Tout-Monde" au Théâtre du Point du Jour
"Iphigénie" au Théâtre de l'Epée de Bois (Cartoucherie)
"Les petites bêtes" au Théâtre 13 Bibliothèque
"Malwida" au Théâtre Studio Hébertot
"Une vie, là bas" au Théâtre Espace Paris Plaine
et toujours :
"Parlons, il est temps" au Théâtre Essaïon
"Faire semblant d'être moi" au Théâtre de la Flêche
"Différente" au Théâtre Comédie Bastille
"Le petit chaperon rouge" au Théâtre de la Huchette
"Les caprices de Marianne" au Théâtre des Gémeaux Parisiens
"Antigone" au Studio Hébertot

des reprises avec :

"Le nectar de dieux" au Théâtre Le Funambule Montmartre
"La folle et inconcevable histoire des femmes" au Théâtre Le Funambule Montmartre
"Changer l'eau des fleurs" au Théâtre Lepic
"Choisis la vie et tu vivras" au Théâtre Essaïon
"Les marchants d'étoiles" au Théâtre Le Splendid
"Le premier sexe" au Théâtre La Scala
"Touchée par le fées" au Théâtre La Scala
"Le hasard merveilleux" au Théâtre Lucernaire
"Elémentaire" au Théâtre de Belleville
"The loop" au Théâtre des Beliers Parisiens

Du côté de la lecture :

"Au-delà du mur" de Katja Hoyer
"Cérémonie d'orage" de Julia Armfield
"Les terres indomptées" de Lauren Goff
"Un perdant magnifique" e Florence Seyvos
et toujours :
"L'avocate et le repenti" de Clarisse Serre
"Auschwitz 1945" de Alexandre Bande
"La Seconde Guerre mondiale fait son cinéma" de Benoît Rondeau
"Les opérations de la Seconde Guerre mondiale en 100 cartes" de Jean Lopez, Nicolas Aubin & Benoist Bihan
"Ecrits sur le cinéma" de Pauline Kael
"L'héritière" de Gabriel Bergmoser

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Aller au cinéma ou regarder un bon film :

"Bernie" de Richard Linklater

"Quiet Life" d'Alexandros Avranas
"Domas le rêveur" de Arunas Zebriunas
"Flow" de Gints Zilbalodis
"The Wall" de Philippe Van Leeuw
"Fotogenico" de Marcia Romano et Benoit Sabatier

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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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