Monologue dramatique d'après les entretiens de Michel Schneider dit Stéphanie Marc.
Pour élaborer "Marilyn Monroe, entretiens", monodrame éclairant un destin tragique, Stéphanie Marc a puisé dans "Marilyn, dernières séances", essai-fiction écrit par Michel Schneider à partir de documents et témoignages relatifs à la dernière psychanalyse très atypique menée par Marilyn Monroe avec Raph Greenson.
2012 marque le cinquantième anniversaire de la mort de Marilyn Monroe. Un demi-siècle que la star hollywoodienne s’est éteinte de manière sinon mystérieuse du moins controversée et que perdurent tant le mythe qu’elle véhiculait que la fascination qu’elle dispensait.
1926-1962. Née en 1926, l’année de la mort de Jean Harlow, son modèle, à laquelle elle était (pré ?)destinée à succéder, Norma Jeane Baker alias Marilyn Monroe analyse sa vie dont elle sait déjà qu’elle est déjà achevée, au terme d’un parcours marqué par la reconnaissance du métier, deux fois sacrée "world favorite film" par les Golden Globes, le désastre absolu de sa vie privée et l’emprise de Marilyn.
Une Marilyn fabriquée comme un produit par Hollywood en pleine guerre des majors, lancée par la Fox pour reprendre le flambeau éteint de la blonde platine qui devait damer le pion à la bombe sexuelle traditionnellement brune, image qu’elle a elle-même peaufiné en grand partie et dont elle a joué mais dont elle a sous-estimé la puissance invasive.
Sur scène, ce n’est pas la Marilyn croqueuse de diamants en robe de satin rose de "Les hommes préfèrent les blondes", ni la Marilyn à la jupe virevoltante de "Sept ans de réflexion", ni la Marilyn "poupoupidou" chantant "I wanna be loved by you" dans "Certains l’aiment chaud", images devenues iconiques.
Face au public, assise à une petite table, une lampe aveuglante orientée vers le visage, décor minimaliste qui évoque davantage une salle d’interrogatoire qu’un cabinet de psychanalyste, une femme brune de noir vêtue parle d’elle ou plutôt d’elles. "Elles" se sont Norma Jeane Baker, en manque d’amour et de reconnaissance, la petite fille victime de l’absence du père et de l’existence d’une mère morte-vivante internée dans hôpital psychiatrique, et Marilyn Monroe, sans doute "le" rôle de sa vie, son image sur pellicule, faux double mais vrai personnage envahissant comme une illusion schizophrénique.
Comme l’opus de Michel Schneider, la partition théâtrale n’est pas un récit linéaire ni au plan chronologique ni au plan thématique mais une succession de vignettes articulées sur le mode de l’association mnésique, chacune étant close par un noir brutal résultant de l’extinction de la lampe. Noir/lumière/noir. Une vie entre deux néants, une scène sous les spotlights entre deux claps de fin.
Comédienne à la belle présence, Stéphanie Marc propose une approche sensible d'une femme palpitante sous le masque de la star sex symbol, qui joue le funambule sur le fil de sa vie, un fil tendu et tranchant comme le fil d’un rasoir, sur lequel elle n’en finit pas de se lacérer alors même que son corps magnifique et magnifié est l’objet de toutes les convoitises et de tous les fantasmes.
Il y a les mots bien sûr, ceux de Norma Jean restée une petite fille avec sa voix d’ingénue sulfureuse, mais surtout une petite musique que Stéphanie Marc dispense de manière évidente, ne quittant jamais sa note, avec une scansion aussi intériorisée que maîtrisée.
La note n’est ni celle de la plainte, ni celle de la quête, mais celui d’une douleur profonde de l’âme qui dresse un constat d’une lucidité sans résilience ni espérance. Et l'émotion naît, en sourdine, puis monte crescendo jusqu’à sont point d’orgue, un épilogue inattendu et saisissant, quand, sur la dream pop d'un lyrisme ténébreux du feu groupe Mercury Rev, Norma Jean, face à son image passe derrière le miroir. |